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CHOMOLANGMA

Réflexions sur le sens de la vie. Diversités culturelles et médiatiques.

Tunisie (2).

Publié le 8 Juillet 2011 par CHOMOLANGMA in AFRIQUE-Géo - historique & politique

Christianisation 


Dans un espace ouvert sur l’extérieur comme l’est alors la province d’Afrique, le christianisme se développe de façon précoce48 grâce aux colons, commerçants et soldats49, et la région devient l’un des foyers essentiels de la diffusion de la nouvelle foi, même si les affrontements religieux y sont violents avec les païens. Dès le IIe siècle, la province applique aussi les sanctions impériales, les premiers martyrs étant attestés dès le 17 juillet 18049 : ceux qui refusent de se rallier au culte officiel peuvent être torturés, relégués sur des îles, décapités, livrés aux bêtes féroces, brûlés voire crucifiés.

 

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Ruines de la basilique de Damous El Karita à Carthage.
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À la fin du IIe siècle, la nouvelle religion progresse dans la province car, malgré une situation difficile, la nouvelle foi s’implante plus vite qu’en Europe, notamment en raison du rôle social joué par l’Église d’Afrique, qui apparaît dans la seconde moitié du IIIe siècle, et du fait de la très forte densité urbaine. C’est à partir d’environ 400 que, sous l’action dynamique d’Augustin d'Hippone et l’impulsion de quelques évêques, les grands propriétaires terriens et l’aristocratie citadine se rallient au christianisme, où ils voient leur intérêt, l’Église intégrant alors les diverses couches sociales. Rapidement, la province d’Afrique est considérée comme un phare du christianisme latin occidental49.

 

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Cyprien de Carthage, évêque de Carthage.
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Cette expansion rencontre toutefois des obstacles, en particulier lors du schisme donatiste40 qui est condamné de façon définitive au concile de Carthage. Ce dernier accuse les schismatiques d’avoir coupé les liens entre l’Église catholique africaine et les Églises orientales originelles49. En dépit de cette lutte religieuse, la conjoncture économique, sociale et culturelle est relativement favorable au moment du triomphe du christianisme50, comme en témoignent les nombreux vestiges, notamment de basiliques à Carthage et de nombreuses églises aménagées dans d’anciens temples païens (comme à Sbeïtla) ou même certaines églises rurales découvertes récemment.

Le 19 octobre 439, après s’être rendus maîtres d’Hippone51, les Vandales et les Alains entrent dans Carthage, où ils installent leur royaume pour près d’un siècle52. Les Vandales sont adeptes de l’arianisme53, déclarée hérésie chrétienne au concile de Nicée, ce qui ne facilite pas les relations entre eux et les notables locaux majoritairement catholiques. Or les Vandales exigent de la population une totale allégeance à leur pouvoir et à leur foi54. En conséquence, dès lors qu’ils tentent de s’opposer aux Vandales, les chrétiens sont persécutés : de nombreux hommes d’Église sont martyrisés, emprisonnés ou exilés55 dans des camps au sud de Gafsa. Dans le domaine économique, les Vandales appliquent à l’Église la politique de confiscation dont doivent pâtir les grands propriétaires54. Cependant, la culture latine reste largement préservée56 et le christianisme prospère tant qu’il ne s’oppose pas au souverain en place. Dans ce contexte, le territoire, enserré par des principautés berbères, est attaqué par les tribus de nomades chameliers : la défaite, en décembre 533 à la bataille de Tricaméron57, confirme l’anéantissement de la puissance militaire vandale. Carthage est prise facilement par les Byzantins dirigés par le général Bélisaire33, envoyé par Justinien58, le roi vandale Gélimer se rendant en 53458.

Malgré la résistance des Berbères, les Byzantins rétablissent l’esclavage et instituent de lourds impôts59. Par ailleurs, l’administration romaine est restaurée. L’Église d’Afrique est mise au pas54 et Justinien fait alors de Carthage le siège de son diocèse d’Afrique. À la fin du VIe siècle, la région est placée sous l’autorité d’un exarque cumulant les pouvoirs civil et militaire, et disposant d’une large autonomie vis-à-vis de l’empereur. Prétendant imposer le christianisme d’État, les Byzantins pourchassent le paganisme, le judaïsme et les hérésies chrétiennes59. Pourtant, à la suite de la crise monothéliste, les empereurs byzantins, opposés à l’Église locale, se détournent de la cité. Or, avec une Afrique byzantine entraînée dans le marasme, un état d’esprit insurrectionnel secoue des confédérations de tribus sédentarisées et constituées en principautés54. Ces tribus berbères sont d’autant plus hostiles à l’Empire byzantin qu’elles ont conscience de leur propre force54. Avant même sa prise par les Arabes en 69860, la capitale et dans une certaine mesure la province d’Afrique se sont vidées de leurs habitants byzantins. Dès le début du VIIe siècle, l’archéologie témoigne en effet d’un repli61.

Arabisation et islamisation de la Tunisie 
Article détaillé : Tunisie à l'époque médiévale.
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La première expédition arabe sur la Tunisie est lancée en 64760. En 661, une deuxième offensive se termine par la prise de Bizerte. La troisième, menée en 670 par Oqba Ibn Nafi Al Fihri, est décisive : ce dernier fonde la ville de Kairouan au cours de la même année59 et cette ville devient la base des expéditions contre le nord et l’ouest du Maghreb33. L’invasion complète manque d’échouer avec la mort d’Ibn Nafi en 68362. Envoyé en 693 avec une puissante armée arabe, le général ghassanide Hassan Ibn Numan réussit à vaincre l’exarque et à prendre Carthage63 en 695. Seuls résistent certains Berbères dirigés par la Kahena63. Les Byzantins, profitant de leur supériorité navale, débarquent une armée qui s’empare de Carthage en 696 pendant que la Kahena remporte une bataille contre les Arabes en 69763. Ces derniers, au prix d’un nouvel effort, finissent cependant par reprendre définitivement Carthage en 698 et par vaincre et tuer la Kahena62. Contrairement aux précédents envahisseurs, les Arabes ne se contentent pas d’occuper la côte et entreprennent de conquérir l’intérieur du pays. Après avoir résisté, les Berbères se convertissent à la religion de leurs vainqueurs62, principalement à travers leur recrutement dans les rangs de l’armée victorieuse. Des centres de formation religieuse s’organisent alors, comme à Kairouan, au sein des nouveaux ribats.

On ne saurait toutefois estimer l’ampleur de ce mouvement d’adhésion à l’islam. D’ailleurs, refusant l’assimilation, nombreux sont ceux qui rejettent la religion dominante et adhèrent au kharidjisme, hérésie née en Orient et proclamant l’égalité de tous les musulmans sans distinction de race ni de classe64. La région reste une province omeyyade jusqu’en 750, quand la lutte entre Omeyyades et Abbassides voit ces derniers l’emporter64. De 767 à 776, les kharidjites berbères sous le commandement d’Abou Qurra s’emparent de tout le territoire, mais ils se retirent finalement dans leur royaume de Tlemcen, après avoir tué Omar ibn Hafs, surnommé Hezarmerd, dirigeant de la Tunisie à cette époque65.

 

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La Grande Mosquée de Kairouan est le principal monument religieux de la Tunisie. Chef-d’œuvre d’architecture, elle fut un pôle culturel important durant le Moyen Âge.
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En 800, le calife abbasside Haroun ar-Rachid délègue son pouvoir en Ifriqiya à l’émir Ibrahim ibn al-Aghlab66 et lui donne le droit de transmettre ses fonctions par voie héréditaire67. Al-Aghlab établit la dynastie des Aghlabides, qui règne durant un siècle sur le Maghreb central et oriental. Le territoire bénéficie d’une indépendance formelle tout en reconnaissant la souveraineté abbasside67. La Tunisie devient un foyer culturel important avec le rayonnement de Kairouan et de sa Grande mosquée, un centre intellectuel de haute renommée68. À la fin du règne de Ziadet Allah Ier (817-838), Tunis devient la capitale de l’émirat jusqu’en 90969. Appuyée par les tribus Kutama qui forment une armée fanatisée, l’action du prosélyte ismaélien Abu Abd Allah ach-Chi'i entraîne la disparition de l’émirat en une quinzaine d’années (893-909)70. En décembre 909, Ubayd Allah al-Mahdi se proclame calife et fonde la dynastie des Fatimides, qui déclare usurpateurs les califes omeyyades et abbassides ralliés au sunnisme. L’État fatimide s’impose progressivement sur toute l’Afrique du Nord en contrôlant les routes caravanières et le commerce avec l’Afrique subsaharienne. En 945, Abu Yazid, de la grande tribu des Banou Ifren, organise sans succès une grande révolte berbère pour chasser les Fatimides. Le troisième calife, Ismâ`îl al-Mansûr, transfère alors la capitale à Kairouan et s’empare de la Sicile60 en 948. Lorsque la dynastie fatimide déplace sa base vers l’est en 972, trois ans après la conquête finale de la région, et sans abandonner pour autant sa suzeraineté sur l’Ifriqiya, le calife Al-Muizz li-Dîn Allah confie à Bologhine ibn Ziri — fondateur de la dynastie des Zirides — le soin de gouverner la province en son nom. Les Zirides prennent peu à peu leur indépendance vis-à-vis du calife fatimide60, ce qui culmine avec la rupture avec ce suzerain devenu lointain et inaugure l’ère de l’émancipation berbère70. L’envoi depuis l’Égypte de tribus arabes nomades sur l’Ifriqiya marque la réplique des Fatimides à cette trahison70.

 

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Minaret de la mosquée Zitouna de style almohade.
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Les Hilaliens suivis des Banu Sulaym — dont le nombre total est estimé à 50 000 guerriers et 200 000 Bédouins70 — se mettent en route après que de véritables titres de propriété leur ont été distribués au nom du calife fatimide. Kairouan résiste pendant cinq ans avant d’être occupée et pillée. Le souverain se réfugie alors à Mahdia en 1057 tandis que les nomades continuent de se répandre en direction de l’Algérie, la vallée de la Medjerda restant la seule route fréquentée par les marchands70. Ayant échoué dans sa tentative pour s’établir dans la Sicile reprise par les Normands, la dynastie ziride s’efforce sans succès pendant 90 ans de récupérer une partie de son territoire pour organiser des expéditions de piraterie et s’enrichir grâce au commerce maritime. Les historiens arabes sont unanimes à considérer cette migration comme l’événement le plus décisif du Moyen Âge maghrébin, caractérisé par une progression diffuse de familles entières qui a rompu l’équilibre traditionnel entre nomades et sédentaires berbères70. Les conséquences sociales et ethniques marquent ainsi définitivement l’histoire du Maghreb avec un métissage de la population. Depuis la seconde moitié du VIIe siècle, la langue arabe demeurait l’apanage des élites citadines et des gens de cour. Avec l’invasion hilalienne, les dialectes berbères sont plus ou moins influencés par l’arabisation, à commencer par ceux de l’Ifriqiya orientale70.

À partir du premier tiers du XIIe siècle, la Tunisie est régulièrement attaquée par les Normands de Sicile et du sud de l’Italie, basés dans le royaume normano-sicilien. Cependant, l’ensemble du territoire d’Ifriqiya finit par être occupé par l’armée du sultan almohade Abd al-Mumin lors de son expédition depuis le nord du Maroc en 115971. L’économie devient florissante72 et des relations commerciales s’établissent avec les principales villes du pourtour méditerranéen (Pise, Gênes, Marseille, Venise et certaines villes d’Espagne). L’essor touche également le domaine culturel72 avec les œuvres du grand historien et père de la sociologie Ibn Khaldoun ; le siècle almohade est considéré comme l’« âge d’or » du Maghreb72. De grandes villes se développent et les plus belles mosquées sont érigées à cette époque73.

Les Almohades confient la Tunisie à Abû Muhammad `Abd al-Wâhid ben Abî Hafs mais son fils Abû Zakariyâ Yahyâ se sépare d’eux en 1228 et fonde la nouvelle dynastie berbère43 des Hafsides74. Elle acquiert son indépendance dès 123675 et dirige la Tunisie jusqu’en 157466, ce qui en fait la première dynastie tunisienne par sa durée76. Elle établit la capitale du pays à Tunis66, et la ville se développe grâce au commerce avec les Vénitiens, les Génois, les Aragonais et les Siciliens60.

À la croisée des convoitises 
Article détaillé : Tunisie beylicale.
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Les Hafsides de Tunis s’essoufflent et perdent peu à peu, après la bataille de Kairouan en 1348, le contrôle de leurs territoires au profit des Mérinides d’Abu Inan Faris75, alors que, frappée de plein fouet par la peste77 de 1384, l’Ifriqiya continue de subir une désertification démographique amorcée par les invasions hilaliennes78. C’est alors que commencent à arriver les Maures musulmans et juifs andalous60 fuyant la déchéance du royaume de Grenade en 1492 et occasionnant des problèmes d’assimilation78. En une dizaine d’années, les souverains espagnols Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille prennent les cités de Mers el-Kébir, Oran, Bougie, Tripoli et l’îlot situé en face d’Alger. Pour s’en libérer, les autorités de la cité sollicitent l’aide de deux corsaires renommés, d’origine grecque : les frères Arudj et Khayr ad-Din79 Barbaros ou Barberousse.

 

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Carte maritime ottomane du XVIe siècle représentant la côte sud-est de la Tunisie.
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La Tunisie offrant un environnement favorable, les frères Barberousse s’y illustrent : Arudj reçoit en effet du souverain hafside aux abois l’autorisation d’utiliser le port de La Goulette puis l’île de Djerba comme base78. Après la mort d’Arudj, son frère Khayr ad-Din se place dans la vassalité du sultan d’Istanbul. Nommé grand amiral de l’Empire ottoman, il s’empare de Tunis en 1534 mais doit se retirer après la prise de la ville par l’armada que Charles Quint mène en 153560,78. En 1560, Dragut parvient à Djerba et, en 1574, Tunis est reprise par les Ottomans66, qui font de la Tunisie une province de l’empire53 en 1575. Pourtant, malgré leurs victoires, les Ottomans ne s’implantent guère en Tunisie.

 

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Nouvelle armée beylicale vers 1840.
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Au cours du XVIIe siècle, leur rôle ne cesse de décroître au profit des dirigeants locaux qui s’émancipent progressivement de la tutelle du sultan d’Istanbul80 alors que seuls 4 000 janissaires sont en poste à Tunis78. Au bout de quelques années d’administration turque, plus précisément en 159043, ces janissaires s’insurgent, plaçant à la tête de l’État un dey et, sous ses ordres, un bey81 chargé du contrôle du territoire et de la collecte des impôts. Ce dernier ne tarde pas à devenir le personnage essentiel de la régence66 aux côtés du pacha, qui reste confiné dans le rôle honorifique de représentant du sultan ottoman, au point qu’une dynastie beylicale finit par être fondée par Mourad Bey en 161382. Le 15 juillet 1705, Hussein Ier Bey fonde la dynastie des Husseinites76. Quoique toujours officiellement province de l’Empire ottoman, la Tunisie acquiert une grande autonomie au XIXe siècle66, notamment avec Ahmed Ier Bey, régnant de 1837 à 1855, qui enclenche un processus de modernisation83.

À cette époque, le pays vit de profondes réformes, comme l’abolition de l’esclavage et l’adoption en 1861 d’une constitution83,84, et manque même de devenir une république indépendante.

Il est difficile de mesurer l’importance des influences turques qui demeurent en Tunisie. Quelques monuments affichent leur filiation ottomane. Dans un autre domaine, l’art des tapis, qui existait pour certains avant l’arrivée des Ottomans, voit les productions de Kairouan présenter au XVIIIe siècle des motifs purement anatoliens78.

Malgré ces influences perceptibles dans l’aspect des objets manufacturés, l’empreinte de l’Italie voisine se fait de plus en plus manifeste au cours du XVIIIe siècle, tant dans l’architecture que dans la décoration, marquant ainsi une ouverture du pays à l’Europe78.

Protectorat et lutte nationaliste 
Article détaillé : Protectorat français de Tunisie.
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Article connexe : Mouvement national tunisien.
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Toutefois, en raison de la politique ruineuse des beys, de la hausse des impôts76 et d’interférences étrangères dans l’économie, le pays connaît peu à peu de graves difficultés financières83. Tous ces facteurs contraignent le gouvernement à déclarer la banqueroute en 1869 et à créer une commission financière internationale anglo-franco-italienne85. La régence apparaît vite comme un enjeu stratégique de première importance de par la situation géographique du pays, à la charnière des bassins occidental et oriental de la Méditerranée86. La Tunisie fait donc l’objet des convoitises rivales de la France et de l’Italie. Les consuls français et italien tentent de profiter des difficultés financières du bey, la France comptant sur la neutralité de l’Angleterre (peu désireuse de voir l’Italie prendre le contrôle de la route du canal de Suez) et bénéficiant des calculs de Bismarck, qui souhaite la détourner de la question de l’Alsace-Lorraine86.

 

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Signature du traité du Bardo au palais de Ksar Saïd le 12 mai 1881.
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Les incursions de « pillards » khroumirs en territoire algérien fournissent un prétexte à Jules Ferry pour souligner la nécessité de s’emparer de la Tunisie86. En avril 1881, les troupes françaises y pénètrent sans résistance majeure et parviennent à occuper Tunis83 en trois semaines, sans combattre87. Le 12 mai 1881, le protectorat est officialisé lorsque Sadok Bey signe forcé, sous peine de mort88, le traité du Bardo89 au palais de Ksar Saïd90. Ce qui n’empêche pas, quelques mois plus tard, les troupes françaises de faire face à des révoltes rapidement étouffées dans les régions de Kairouan et Sfax86.

Le régime du protectorat est renforcé par les conventions de la Marsa du 8 juin 1883 qui accordent à la France le droit d’intervenir dans la politique étrangère, la défense et les affaires internes de la Tunisie91,92. La France représente dès lors la Tunisie sur la scène internationale, et ne tarde pas à abuser de ses droits et prérogatives de protecteur pour exploiter le pays comme une colonie, en contraignant le bey à abandonner la quasi-totalité de ses pouvoirs au résident général93. Néanmoins, des progrès économiques ont lieu, notamment via les banques et les compagnies91. La colonisation permet l’expansion des cultures de céréales et de la production d’huile d’olive ainsi que l’exploitation des mines de phosphates85 et de fer. Un important port militaire est aménagé à Bizerte86. De plus, dans le domaine de l’éducation, les Français établissent un système bilingue arabe et français qui donne l’opportunité à l’élite tunisienne de se former dans les deux langues94.

 

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Procès de l’affaire du Djellaz en 1911.
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La lutte contre l’occupation française commence dès le début du XXe siècle avec le mouvement réformiste et intellectuel des Jeunes Tunisiens fondé en 190795 par Béchir Sfar, Ali Bach Hamba et Abdeljelil Zaouche. Ce courant nationaliste se manifeste par l’affaire du Djellaz en 1911 et le boycott des tramways tunisois en 191293. De 1914 à 1921, le pays vit en état d’urgence et la presse anticolonialiste est interdite33. Malgré tout, le mouvement national ne cesse pas d’exister93. Dès la fin de la Première Guerre mondiale, une nouvelle génération organisée autour d’Abdelaziz Thâalbi prépare la naissance du parti du Destour93. Entré en conflit avec le régime du protectorat96, le parti expose, dès la proclamation officielle de sa création le 4 juin 192092, un programme en huit points. Après avoir fustigé le régime du protectorat dans des journaux comme La Voix du Tunisien et L’Étendard tunisien97, l’avocat Habib Bourguiba fonde en 1932, avec Tahar Sfar, Mahmoud El Materi et Bahri Guiga, le journal L'Action Tunisienne98, qui, outre l’indépendance, prône la laïcité99. Cette position originale conduit le 2 mars 193492, lors du congrès de Ksar Hellal96, à la scission du parti en deux branches, l’une islamisante qui conserve le nom Destour, et l’autre moderniste et laïque, le Néo-Destour85, une formation politique moderne, structurée sur les modèles des partis socialistes et communistes européens, et déterminée à conquérir le pouvoir pour transformer la société98. Après l’échec des négociations engagées par le gouvernement Blum, des incidents sanglants éclatent en 193785 et les émeutes d’avril 1938 sont sévèrement réprimées99.

Cette répression conduit à la clandestinité du Néo-Destour, qui incite les nouveaux dirigeants à ne pas exclure l’éventualité d’une lutte plus active100,101. En 1942, le régime de Vichy livre Bourguiba à l’Italie, à la demande de Benito Mussolini, qui espère l’utiliser pour affaiblir la Résistance française en Afrique du Nord99. Cependant Bourguiba ne désire pas cautionner les régimes fascistes et lance le 8 août 1942 un appel pour le soutien aux troupes alliées99. Pendant ce temps, la Tunisie est le théâtre d’importantes opérations militaires95 connues sous le nom de campagne de Tunisie85 Après plusieurs mois de combats et une contre-offensive blindée allemande dans la région de Kasserine et Sbeïtla au début de l’année 1943, les troupes du Troisième Reich sont contraintes de capituler le 11 mai dans le cap Bon, quatre jours après l’arrivée des forces alliées à Tunis102. Après la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants nationalistes inscrivent la résistance armée dans la stratégie de libération nationale101. Des pourparlers sont menés après la guerre avec le gouvernement français100, si bien que Robert Schuman évoque en 1950 l’indépendance de la Tunisie en plusieurs étapes92. Mais des troubles nationalistes en 1951 précipitent leur échec92.

 

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Habib Bourguiba à Bizerte en 1952.
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Ruines suite à une attaque sur Tazerka.
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Avec l’arrivée du nouveau résident général, Jean de Hauteclocque, le 13 janvier 1952, et l’arrestation, le 18 janvier, de 150 destouriens dont Bourguiba, débutent la révolte armée85, la répression militaire française92 et un durcissement des positions de chaque camp103. De plus, avec l’assassinat du syndicaliste Farhat Hached par l’organisation colonialiste extrémiste104 de la Main rouge105, le 5 décembre, se déclenchent manifestations, émeutes, grèves, tentatives de sabotage et jets de bombes artisanales101. Le développement de la répression, accompagnée de l’apparition du contre-terrorisme, incite les nationalistes à prendre plus spécifiquement pour cibles les colons, les fermes, les entreprises françaises et les structures gouvernementales101.

C’est pourquoi les années 1953 et 1954 sont marquées par la multiplication des attaques contre le système colonial. En réponse, près de 70 000 soldats français sont mobilisés pour arrêter les guérillas des groupes tunisiens dans les campagnes106. Cette situation difficile est apaisée par la reconnaissance de l’autonomie interne de la Tunisie, concédée par Pierre Mendès France le 31 juillet 195492,107.

C’est finalement le 3 juin 1955106 que les conventions franco-tunisiennes sont signées entre le Premier ministre tunisien Tahar Ben Ammar et son homologue français Edgar Faure104. En dépit de l’opposition de Salah Ben Youssef, qui sera exclu du parti53, les conventions sont approuvées par le congrès du Néo-Destour tenu à Sfax le 15 novembre de la même année103. Après de nouvelles négociations, la France finit par reconnaître « solennellement l’indépendance de la Tunisie »103 le 20 mars 1956108, tout en conservant la base militaire de Bizerte.

 

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