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CHOMOLANGMA

Réflexions sur le sens de la vie. Diversités culturelles et médiatiques.

Grotte de Vogelherd (6)

Publié le 4 Mai 2019 par Reun's in HISTOIRE-Préhistoire-Cénozoïque

Autres figurines

D'autres petites sculptures attribuées à l'Aurignacien et confectionnées dans de l'ivoire de mammouth ont été mises en évidence108,127,130. Parmi celles-ci, des statuettes représentant des grands félins108,127,130, dont un torse de lion des cavernes de 5,6 cm de long, daté d'environ 35 000 AP127,63,148,64, une tète de lion de 1,8 × 2,5 × 0,6 cm et datée d'environ 35 000 AP131, ainsi que deux autres figurines animales, l'une représentant un poisson et l'autre un hérisson149,150.

Analyse

Riek, dans son rapport de fouilles de 1934, attribue les statuettes à l'interglaciaire Würm I/II123. La préhistorienne Gisela Freund remet en cause la datation établie par Riek, et formule l'hypothèse que les figurines, comme l'occupation humaine de la grotte durant l'époque aurignacienne, a probablement débuté plus tard123. Par ailleurs, Riek ne donne aucun indice précis sur le contexte stratigraphique des figurines123. Pour Freund, le préhistorien allemand « regarde les plastiques rondes comme appartenant à l'Aurignacien moyen et les demi-reliefs comme témoignages de l'Aurignacien supérieur »123,78.

Les sculptures en ivoire de la grotte de Vogelherd sont parmi les œuvres les plus connues de l'art du Paléolithique supérieur. Après la découverte de onze statuettes lors des fouilles de 1931, celles-ci étaient alors considérées comme les « plus anciennes œuvres d'art figuratif du monde »35. Cependant, en l'état des recherches les plus récentes, l'ensemble des pièces figuratives retrouvées dans le Jura sont considérées comme « les plus anciennes d'Europe »151. Par ailleurs, en 2013, Gerhard Bosinski met en évidence que les plus anciennes statuettes aurignaciennes ne proviennent ni de la Vogelherd, ni de la Geißenklösterle ou encore de la Hohle Fels, mais sont issues du site préhistorique de Sungir', à proximité de la ville russe de Vladimir152.

Globalement, outre une période (le Paléolithique supérieur) et une culture archéologique similaires (l'Aurignacien), ces objets présentent la même thématique que les représentations pariétales mises en évidence dans les grottes d'Aldène et de Chauvet. Comme les figurines de la grotte de Vogelherd, une forte proportion des peintures et gravures des grottes de l'Ardèche et de l'Hérault représentent des animaux carnivores136,137, et en particulier des œuvres figurant des lions des cavernes153. La statuette représentant un mammouth présente, avec d'autres figurines de la Vogelherd, de forte similitudes avec les pièces d'art préhistorique de la zone franco-cantabriques123.

Pour G. Riek, dans les années 1930, la reproduction exclusive d'espèces fauniques met en évidence les spécificités des populations aurignaciennes ainsi que « la prééminence et le prestige que la chasse tient au sein de ces communautés »39. Il ajoute que « l'Homme aurignacien était d'abord et principalement un chasseur et que le pouvoir de la chasse était célébré à travers une expression artistique »39. Ultérieurement, dans les années 1980, le préhistorien Hansjürgen Müller-Beck formule l'hypothèse que la conception des figurines de la Vogelherd représente les premières manifestations des compétences techniques humaines dans le domaine de l'art mobilier ainsi que « les premières expressions de la capacité et du désir de l'humanité d'expliquer son environnement »39. Joachim Hahn propose quant à lui que la conception stylistique de ces pièces « délivre un code pour un ensemble complexe de messages visuels centrés autour d'une idéologie du pouvoir et de la force et ayant possiblement une fonction pédagogique »39.

Près de 10 % des pièces en ivoire livrées par la grotte de Vogelherd montrent des motifs à caractère symbolique. Pour les archéologues Dutkiewicz et Conard, ces décors symboliques,

« soulignent ainsi l’importance de cette forme d'expression dans la société aurignacienne du Jura souabe. »

— Ewa Dutkiewicz et Nicholas J. Conard, 2016154.

Ces artefacts, confectionnés à l'époque aurignacienne, suggèrent également une forme de « communication », de « langage » et d'« expression symbolique »155. G. Sauvet, C. Fritz et G. Tosello ajoutent que la répétition des incisions en forme de croisillons — des « signes conventionnels » — apposés sur la plupart des figurines de la Vogelherd, « confirment l'existence d'un système de croyance déjà très élaboré »151.

Pour Harald Floss, les figurines de la Vogelherd, comme celles retrouvées sur les autres sites préhistoriques du Jura souabe,

« possèdent un caractère individuel marqué, comme si elles avaient été créées, ou possédées, par des personnes bien distinctes »

— Harald Floss, 2015 p. 12156.

D'autre part, en raison de leur petite taille, l'archéologue ajoute que ces pièces d'art mobilier

« se prêtaient donc à être portés au quotidien. C’est-à-dire, des objets mobiles dans un monde mobile »

— Harald Floss, 2015, p. 12156.

 

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