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CHOMOLANGMA

Réflexions sur le sens de la vie. Diversités culturelles et médiatiques.

Bataille d'Adoua (2).

Publié le 5 Janvier 2010 par CHOMOLANGMA in AFRIQUE-Géo - historique & politique

 

Les relations diplomatiques avec l'Italie : le traité de Wuchale
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Article détaillé : Traité de Wuchale.
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Francesco Crispi, président du conseil du Royaume d'Italie de 18931896. à
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Les relations entre l'Empire éthiopien et l'Italie sont initialement cordiales ; un traité d'amitié et de commerce est signé en mai 1883. Un traité d'amitié et d'alliance s'y substitue en octobre 1887[11], puis un traité signé dans le village de Wuchale, dit de paix perpétuelle et d'amitié, le 2 mai 1889. Ce dernier, signé deux mois après le décès de Yohannes IV, concède des avantages notables aux deux parties : aussi bien envers Ménélik II, qui cherche à légitimer son accession au trône, qu'envers les Italiens qui consolident leurs positions dans la Corne de l'Afrique, notamment dans la région des hauts plateaux tigréens d'Hamassen. Un des articles du traité, l'article 17, joue un rôle décisif dans la suite des événements. En effet, les deux versions du traité, l'une en amharique, la seconde en italien, diffèrent dans leur traduction : si dans la version éthiopienne, l'Empire éthiopien se réserve la faculté de se servir des agents du gouvernement italien pour ses relations avec les puissances européennes, la version italienne rend ce recours obligatoire, plaçant de fait l'Éthiopie sous protectorat italien[12].

Le 11 octobre 1889, Francesco Crispi, ministre italien des affaires étrangères, informe les représentants italiens à l'étranger, qu'en vertu de l'article 34 de l'acte général de la conférence de Berlin et de l'article 17 du traité de Wuchalé, il est convenu que « Sa Majesté le Roi d'Éthiopie fasse usage de Sa Majesté le Roi d'Italie pour la conduite de toutes les affaires qu'il pourrait avoir avec les autres Puissances ou Gouvernements ». La référence à la conférence de Berlin indique clairement aux puissances européennes la mise sous protectorat de l'Éthiopie, ce que les autres puissances coloniales ne contestent nullement[12].

L'affaire n'est connue en Éthiopie que le 14 décembre 1889, lorsque, recevant une réponse des gouvernements anglais et allemands à l'une des requêtes, ceux-ci répondent à Ménélik II qu'ils ne peuvent accepter de communication directe provenant d'Éthiopie. La manipulation est dénoncée dans une lettre de Ménélik II au roi Humbert Ier d'Italie le 22 septembre 1890. Ménélik II met alors fin à tout lien d'intérêt unissant l'Éthiopie à l'Italie en remboursant les crédits accordés par l'Italie, négociés par Ras Makonnen, et commence par rembourser le prêt de 2 millions de lires accordé[12]. Prenant avantage des délais inhérents aux relations diplomatiques, Ménélik II fait importer de grandes quantités d'armes à feu de France, de Russie et de Belgique[12].

Le Traité de Wuchale est dénoncé le 12 février 1893. Le lendemain, une lettre écrite aux puissances européennes informe que l'Éthiopie rejette toute forme de protectorat[Note 5][13].

Déclenchement du conflit et confrontations armées jusqu'à Adoua
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Navire de guerre italien dans la rade de Massaouah.
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Article détaillé : Première guerre italo-éthiopienne.
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En cette même année 1893, en Italie, l’ancien ministre des affaires étrangères, Francesco Crispi, devient Premier ministre. Le pays traverse une période de crise intérieure, résultant de révoltes paysannes et de mouvements sociaux grandissants. Crispi interdit toute organisation de forme socialiste et tout syndicat de paysans et de travailleurs, des milliers d'Italiens se retrouvent privés de leurs droits civiques. Durant l'année 1895, il dirige le pays d’une main de fer sans consulter le Parlement et est reconduit au pouvoir avec une large majorité[14].

Les affrontements entre l'Éthiopie et l'Italie qui suivent la dénonciation du traité, débutent à la fin de l'année 1894, lorsque Bahta Hagos, un Dejazmach d'Akkele Guzay en Érythrée, entre en rébellion contre l'ordre colonial[9]. En janvier 1895, les Italiens engagent les hostilités à la bataille de Coatit contre le Ras Mengesha, gouverneur du Tigré, fils de Yohannes IV. À la suite de leur victoire, ils occupent de larges parties du Tigré, à Adigrat, Mekele et Amba Alagi[9] .

Au cours d'une allocution devant la chambre italienne des députés le 29 juillet 1895, Francesco Crispi reçoit une « approbation cordiale » sur le budget des affaires étrangères à l'exception de l'extrême-gauche. Le projet est présenté comme visant à assurer « la sauvegarde des frontières italiennes et la paix »[15].

 

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Troupes italiennes en route vers Massaouah.
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En Éthiopie, un appel à la mobilisation générale contre les forces coloniales est lancé le 17 septembre 1895. En l'espace de deux mois, une centaine de milliers de soldats sont rassemblés en des points stratégiques du pays (Addis Ababa, Were Ilu, Ashenge, et Mekele)[9] . Les forces éthiopiennes se dirigeant vers le nord du pays et la région du Tigré rencontrent une position fortifiée italienne, à Amba Alagi. Accompagné des troupes du Qegnazmach Tafesse, le Fitawrari Gebeyehu lance une attaque, désobéissant ainsi aux ordres. Le 7 décembre 1895, les forces italiennes et un renfort de 5 000 soldats sont chassés et mis en déroute. La poursuite de la marche vers les positions italiennes s'effectue alors dans l'anticipation constante d'une confrontation[9].

Une dépêche italienne publiée le 15 décembre 1895 montre que les Italiens ont connaissance de mouvements de troupes éthiopiens progressant suivant deux colonnes : l'une dirigée vers Adoua sous les ordres du Ras Alula et l'autre se dirigeant vers Asmara, tenue par le général Arimondi, impliquant au total plus de 100 000 hommes[16].

 

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Progression des campements des troupes de Ménélik II dans les jours qui précèdent la bataille d'Adoua.
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Le 16 décembre 1895, le gouvernement italien annonce une augmentation du budget pour la campagne en Éthiopie de 16 à 20 millions de lires sur les 7 prévus initialement[17]. Devant la Chambre des députés, l'opposition développe ses interventions visant à renverser le gouvernement[16], Francesco Crispi est fréquemment interrompu par les radicaux, à qui il reproche leur « comportement intempéré et anti-patriotique » ; le New-York Times indique que les débats à l'assemblée sont « fortement agités »[17]. Le même jour un navire italien quitte le port de Naples pour Massaoua avec à son bord un renfort de 1 460 hommes  ; la foule manifeste un « grand enthousiasme »[17]. Au total entre le 16 décembre 1895 et le 6 février 1896, 24 départs de Naples sont effectués correspondant à l'envoi d'un renfort de 17 234 hommes[18]. Le général Dabormida est, en particulier, envoyé le 12 janvier 1896 à la tête d'une brigade d'infanterie soutenir les troupes de Baratieri[19].

Le 7 janvier 1896, les troupes des Ras rencontrent une nouvelle fortification des Italiens à Mekele, capitale du Tigré. Les Éthiopiens encerclent la fortification qu'ils assiègent et canonnent pendant deux semaines avant reddition de l'ennemi le 21 janvier 1896. Ménélik II décide de contourner Adigrat. Les campements s'établissent successivement dans les villes d'Agula, Genfel, Hawzen, Harhar, WereA, Tsadiya, Zata, Gendebeta, Hamassen, Aba Gerima Gult, puis, début mars, à Adoua[9].

Le général Oreste Baratieri aperçoit les troupes de Menelik le 7 février 1896, mais ne déclenche pas l'offensive.

Furieux, Crispi envoie, le 28 février, un télégramme à Baratieri lui ordonnant d'engager le conflit[Note 6][1].

Moyens et logistique des deux camps en présence

Organisation stratégique
Du côté éthiopien

Dans l'optique générale de la première guerre italo-italienne, l’action militaire éthiopienne repose sur une stratégie offensive basée sur l’ouverture de deux fronts d’attaque afin de combattre les principaux regroupements de troupes avancés à l’intérieur de leur territoire[9]. Le haut commandement éthiopien donne comme instruction d’éviter l’affrontement direct sur les positions ennemies. Il cherche à frapper l’ennemi en position avancée à l’intérieur de son territoire en visant le siège du gouvernement colonial à Hamassen. En particulier, suite à la victoire de Meqelé, Menelik II et ses troupes contournent la position d’Adigrat où se trouve rassemblé le gros des troupes italiennes. C’est sur la route vers Hammassen que l’armée est confrontée aux troupes italiennes[9].

Au cours de la bataille d'Adoua, l’armée éthiopienne joue sur la mobilité et les manœuvres plutôt que sur des formations linéaires et la coordination. Sa stratégie repose sur des combats brefs et rapides bénéficiant de l’utilisation de la cavalerie et des forces d’infanterie[9].

Du côté italien
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Carte délivrée aux généraux italiens avant la bataille (la carte est orientée vers l'ouest, la flèche à droite indique le nord).
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Oreste Baratieri refuse initialement d'engager la bataille car il sait que les Éthiopiens sont nombreux et que leur maintien sur place ne peut durer longtemps. Toutefois, le gouvernement italien de Francesco Crispi ne peut tolérer le fait d'être mis en échec par une armée non-européenne et donne l'ordre à Baratieri de lancer l'offensive.

Les Italiens ont un plan opérationnel précis avant de lancer l'assaut à Adoua. Ce plan est schématisé sur une carte par Oreste Baratieri, commandant des forces italiennes. Le plan détaille les performances, les missions, les positions et les directions des principaux fronts ainsi que la durée d'accomplissement des manœuvres. Globalement, Tsegaye Tegenu note que ce plan néglige la capacité de regroupement et les opérations possibles des troupes éthiopiennes liées à une structure de commandement fortement flexible au cours de combat[9].

L'Italie prend l'initiative d'une attaque surprise à travers un engagement rapide des forces principales, en visant à la fois le cœur de la formation éthiopienne, ainsi que ses flancs[9].

La bataille d'Adoua correspond à un engagement des combats de type rencontre, c'est-à-dire qu'il correspond des deux côtés à un combat de type offensif alors que les deux formations ennemies progressaient l'une vers l’autre[9].

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