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CHOMOLANGMA

Réflexions sur le sens de la vie. Diversités culturelles et médiatiques.

Religion minoenne (3).

Publié le 30 Mars 2012 par CHOMOLANGMA in CULTURE-Mythes et légendes

Autels et tables à libations 

 


« Compotier » servant à l'offrande de fruits. Période protopalatiale (Phaistos).

 

 

 

Les autels occupent une part importante de l'équipement rituel. Comme plus tard, à l'âge classique, les autels présentaient déjà toute une variété de formes68. Ils pouvaient être rectangulaires, bâtis en pierre taillée ou à degrés69. Des autels fixes, faits de blocs de pierre ou de linteaux ont été découverts dans de nombreux endroits, comme il est facile de les identifier dans les grotte de Psychro ou d'Ilithyie68. De plus, ces autels ont pu être identifiés avec certitude car ils ont révélé la présence de cendres et d'os carbonisés70. De manière plus générale, partout où l'on trouve une construction quadrangulaire à surface plane et sans que rien ne soit superposé par dessus, il est possible de penser que nous sommes en présence d'un autel68. Evans identifia quatre autels dans le palais de KnossosN 14,68. Deux autels ont été identifiés à Phaistos, un premier sur le côté nord de la cour ouest où l'on peut voir une base rectangulaire faite de pierresN 15, un second à l'angle nord-ouest de la cour centrale du palais. Dans cet angle, deux blocs de pierre ont été superposés formant un cube de plus d'un mètre de haut71.

On se servait probablement de ces autels, parfois surmontés de cornes et de banches sacrées, pour y sacrifier des victimes, y déposer des offrandes72 et y brûler les animaux immolés69. De plus petits autels, légèrement concaves, étaient sans doute utilisés pour des offrandes liquides72. Ils étaient surmontés des doubles cornes et de branches sacrées, et principalement utilisés pour les offrandes non sanglantes69. Les tables à offrandes étaient des plaques de pierre, de dimensions réduites, avec une face supérieure plate ou creusée d'une cavité circulaire ou carrée. Cette cavité servait sans doute à recueillir les liquides versés des vases à libations73. Il existe également des tables qui ont la forme d'une lampe sur haut pied et des « compotiers » en céramique pour l'offrande de fruits.

 

Kernoi et rhyta 

Dans les rites minoens, on trouve souvent un type particulier de récipient, le kernos, nommé d'après des vases analogues utilisés dans le culte de Déméter, aux temps classiques. On rencontre dans les tombe du minoen ancien, la variété dite de la « salière », c'est-à-dire de simples kernoi rectangulaires en pierre ou en argiles formés par la réunion de deux ou trois tasses ou petits vases sur une base commune. Un kernos était vraisemblablement utilisé pour les offrandes de panspermia : présentation de petites quantités de toutes les espèces de graines et de produits agricoles. Arthur Evans trouva les premiers exemplaires de kernoi datant du Minoen ancien II74, mais les exemplaires les plus anciens remontent aux tout premiers temps du Minoen ancien et furent découverts à Pyrgos75. Parmi ces spécimens les plus anciens fut retrouvé un kernos avec une tige évasée vers le bas formant le pied de la poterie. Deux coupes sont reliées à la tige par leurs bords, la tige s'élevant un peu au-dessus de deux coupes. Un autre spécimen diffère du premier par sa forme, trois coupes, plus larges sont reliées au sommet du pied plus petit et moins évasé que le premier spécimen. Bien que de formes différentes, ces deux kernoi de type bucchero possèdent des décors géométriques incisés75. Quarante-quatre coupes coniques, apparemment toutes décrochées de leurs supports initiaux ont été retrouvées à Palaikastro et ont été identifiées comme appartenant à des kernoi du Minoen récent III76. À la fin de la période mycénienne, ces objets prennent une forme différente. On a retrouvé dans une tombe, un anneau de 19 cm de diamètre, sur lequel étaient placés 6 récipients aux cols étroits. De plus, trois figurines grossières étaient placées entre les récipients76.

Aujourd'hui encore, en Crète, le rite chrétien permet d'observer la présentation des aparchai, ou premiers fruits de la terre, qui sont portés à l'église pour y être bénis. On trouve encore dans certains monastères, un objet comparable au kernos, combinant des bougeoirs et des fioles pour recevoir du blé, de l'huile et du vin77.

 

 

 

Rhyton en forme d'oiseau. Koumasa. Minoen ancien.

 

 

 

Rhyton. Plaine de la Mesara. Période prépalatiale.

 

 

 

Rhyton en forme de tête de taureau. Période néopalatiale.

 

 

 

Les rhyta, mot dérivé du grec rheo (= couler) sont des vases pourvus non seulement d'une embouchure par laquelle on les remplissait, mais aussi d'une ouverture sur la base pour l'écoulement. La forme peu pratique, la richesse et la finesse de fabrication prouvent qu'ils étaient surtout des objets destinés au culte. Les rhyta peuvent être de forme humaine ou animale78. Elles apparaissent au Minoen ancien III, au Minoen moyen I et de nouveau au Minoen récent79. Parmi les plus anciens exemples retrouvés, on peut citer l'oiseau de Koumasa, les taureaux avec des hommes accrochés à leurs cornes, le vase-colombe de Knossos79. Plus rares, des rhyta prépalatiaux retrouvés à Mochlos79 et Malia80 en forme de buste de femme avec des trous sur la poitrine étaient peut-être destinés aux offrandes de lait80. Tandis que les rhyta en forme de taureau pourraient avoir servi pour la libation de sang du bœuf sacrifié. Des modèles plus simples, comme des exemplaires coniques et ovales en pierre ou en céramique, ont aussi été retrouvés. Les rhyta en forme de tête humaine apparaissent au Minoen moyen II et deviennent communs au Minoen récent.

Dans les tombes d'époque palatiale, des alabastres, ou vases en céramique ou en pierre, bas et très larges, qu'on remplissait par une ouverture circulaire étroite, ont été découverts à Knossos. Leur forme plate suggère que la libation devait rester en contact avec le sol.
Dans les sanctuaires du minoen récent, ont été retrouvés des vases tubulaires, sans fond; vraisemblablement placés au-dessus d'un petit trou creusé dans la terre, ils servaient à recevoir des libations80.

 

Pratiques du culte 

L'offrande de nourriture et de boisson à la divinité constitue l'acte principal d'adoration. Dans des tablettes en linéaire B de Knossos sont mentionnées des offrandes de miel à la déesse des accouchements Ilithyia et à d'autres divinités. Le miel étant peut-être destiné à apaiser les douleurs de l'accouchement81. Sur un fragment d'un vase en pierre de Knossos, on voit un jeune arriver au sommet d'une montagne. Il place une corbeille de fruits devant le sanctuaire82. En plus du miel et des fruits, une autre offrande devait être le vin.

Des sacrifices sanglants, pendant lesquels on immolait des animaux, avaient lieu. Sur le sarcophage d'Aghia Triada, on peut voir un taureau étendu sur une table en bois. Il est déjà tué et du sang coule de sa gorge avant d'être recueilli dans un seau. Le sacrifice est accompagné d'une musique de flûte. Puis un manche est passé dans les poignées des seaux contenant le sang et une femme les emporte son son épaule. Une prêtresse reçoit les vases et les vide dans une vaste cuve placée entre des doubles-haches83. On suppose que les fidèles buvaient le sang des bêtes sacrifiées, recueilli dans les seaux84.

Il pouvait y avoir confusion entre l'objet réel et sa représentation. À la place d'un vrai animal, le fidèle pouvait offrir une copie en argile ou en bronze. Ceci expliquerait la quantité de modèles réduits d'animaux retrouvés dans les sanctuaires de plein-air minoens. Ce type d'offrandes aurait eu lieu principalement dans les sanctuaires de campagne84. Le fidèle minoen adressait ses prières de diverses façons. Le porteur d'ex-voto, arrivé devant le sanctuaire de la divinité, ne s'incline ni ne s'agenouille. Il se tient droit, presse son poing contre son front, peut-être pour se protéger de l'éblouissement causé par l'apparition divine82. Il existe d'autres gestes d'adoration : les bras sont levés ou tendus, croisés sur la poitrine, en extension ou repliés82,85.

La danse était sûrement une autre manifestation du culte. À Phaistos, une frise des temps protopalatiaux montre une déesse tenant des fleurs entre deux danseuses83. Une scène similaire apparait à l'intérieur d'un bol, lui aussi de Phaistos. À Kamilari, un groupe de quatre personnages en argile, qui dansent en cercle en se tenant par les épaules, a été retrouvé. La présence de cornes souligne le caractère sacré86. Ces scènes de danse sont visibles aussi sur des bagues, des sceaux et empreintes de sceaux. Sur la bague en or d'Isopata, des femmes aux poitrines nues, peut-être des prêtresses, exécutent des pas de danse en honneur à la divinité qui apparait.

 

 

 

Prêtres et prêtresses

 


Sarcophage d'Aghia Triada. Détail d'une prêtresse.

 

 

 

Le prêtre et la prêtresse servent d'intermédiaires entre le fidèle et la divinité. Ils se distinguent par leurs vêtements. Dans les représentations de scènes de culte, on peut voir des types particuliers de costumes qui peuvent être considérés comme des vêtements de culte87. Sur le sarcophage d'Aghia Triada, les prêtres et les prêtresses sont drapés de peaux animales. Le prêtre officiant au sacrifice, la prêtresse devant l'hôtel, la prêtre versant des libations dans une jarre et les trois hommes apportant des offrandes sont habillés d'un vêtement commençant à la taille et maintenu par une ceinture. Celui-ci tombe droit, sans plis, et le bas du vêtement est arrondi, presque semi-ciculaire, mais à l'arrière du vêtement on peut voir une sorte d'appendice, faisant comme un petite queue87. La surface du vêtement est dotée de lignes ondulées rouges ou noires. Les hommes ont le haut du corps nu, alors que les femmes portent un corsage ouvert décoré de larges bandes. Le personnage à droite de la scène, considéré comme un dieu ou héros un mort devant sa tombe porte le même style de vêtement, mais d'une coupe différente. Celui-ci lui recouvre aussi le haut du corps et les bras, rendus invisibles, et une large bande brodée décore le devant de l'habit87. Cette tenue est considérée comme faite à partir de peaux de bêtes88. La peau peut être perçue comme un lien entre le prêtre et l'animal89. Vêtement des premiers crétois, la peau animal aurait été conservé dans le culte à cause du conservatisme religieux90.

Ce type de costume a pu être reconnu sur des sceaux retrouvés sur différents sites. Si on note parfois quelques différences dans le style, la forme incurvée du bas du vêtement, la « queue » pointue indiquent qu'il s'agit du même costume88.

 

 

 

Sarcophage d'Aghia Triada (détail).

 

 

 

Un autre type de robe est visible sur le sarcophage d'Aghia Triada. Celui, porté par le joueur de lyre et la femme portant des vases à offrandes accrochés à une perche qu'elle porte sur ses épaules. Cette robe recouvre le corps entier et tombe droite, sans pliure. Cette robe, qui semble à la fois portée par les femmes et les hommes, porte une large bande sur les épaules et sur tout le côté du corps depuis le dessus des bras. La couleur de ces robes varie91. Les prêtres et musiciens porteurs de longues robes féminines appartiendraient à une catégorie à part. Cette pratique a suggéré la présence d'eunuques dans les palais crétois. À une époque plus tardive, on trouve en Asie mineure une classe semblable de prêtres-eunuques servant Cybèle et Attis89.
Un fragment de stuc de Knossos montre le visage et le haut du corps de deux personnages, chacun d'eux enveloppé dans ce qui semble être une étole blanche portant une large bande partant des épaules92. Sur des sceaux on peut voir des tenues similaires, mais avec des bandes horizontales ou obliques.

L'origine orientale de ces robes ne semble guère faire de doute89. Arthur Evans leur donne une origine syro-anatolienne, tandis que Pierre Demargne penche pour la Syrie93.

 

 

 

Au premier rang, une prêtresse portant le poing à son front. Période néopalatiale (Aghia Triada).

 

 

 

Parmi les autres prérogatives des prêtres figuraient le chant et la prière89. Pendant les cérémonies de plein air, les prêtres utilisaient apparemment un coquillage marin, le triton, pour amplifier leur voix. Sur un sceau du Mont Dictè, on voit une prêtresse devant un autel surmonté de cornes et décoré de branches, porter un coquillage de triton à sa bouche94.

L'exorcisme fait aussi partie des fonctions du prêtre. La réputation d'exorcisme des prêtres crétois contre les maladies et autres maux était parvenue jusqu'en Égypte. Sur un papyrus égyptien du 14e siècle a été préservé un exorcisme thérapeutique minoen94.

 

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