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CHOMOLANGMA

Réflexions sur le sens de la vie. Diversités culturelles et médiatiques.

Religion minoenne (5 & fin).

Publié le 1 Avril 2012 par CHOMOLANGMA in CULTURE-Mythes et légendes

Continuité de la religion minoenne 

 


Survivance du culte 

Il est probable que la religion minoenne survécut à l'invasion des Grecs et fusionna avec la religion grecque. Des traces de culte minoen datant de la période mino-mycénienne à la période grecque, ont pu être retrouvées107.

Cette continuité peut s'exprimer à travers les nombreuses idoles retrouvées, qui conservent pendant plusieurs siècles leur aspect minoen. À Gazi, des idoles de la période sub-minoenne ont été découvertes. Elle se tenaient probablement sur une planche dans une petite pièce carrée, dans laquelle on a aussi trouvé une table à offrandes et des vases. Le sanctuaire de Karphi, plus tardif, car datant de la période sub-minoenne à proto-géométrique, a révélé des objets de culte et des idoles minoennes, bien que leurs pieds aient été modelés séparément108. À Prinias également des idoles ont été découvertes, en forme de cloche, et représentées avec des serpents, comme les idoles retrouvées à Gournia. Dès 1906, les archéologues italiens ont estimé que les idoles de Prinias dataient de la période archaïque, et étaient complètement étrangères à la période minoenne par leur datation108.

Un objet important du culte minoen a perduré à travers les siècles suivants : le kernos109. Le terme kernos désigne selon les auteurs grecs, un ensemble de petites coupes d'argiles attachées à un vase central, et dans lesquelles différentes sortes de fruits étaient placées. Cet objet était transporté à la manière du liknon, et les auteurs grecs nous informent que la personne chargée de le transporter goutait également les fruits. Le kernos aurait servi dans des mystères, sans que l'on sache vraiment lesquels110,111, même si ceux d'Éleusis semblent fort probables112. Ainsi des kernoi dédicacées aux déesses éleusiniennes ont été découverts sur les pentes ouest de l'Acropole à Athènes et près du Métrôon112.

La complexité de la forme des kernoi permet de laisser penser qu'il existe une réelle connexion entre les exemplaires minoens et grecs. Les chercheurs s'accordent sur le fait qu'une forme si particulière aurait eu, en effet, peu de chances d'apparaitre deux fois dans le même pays sans qu'aucune connexion n'ait lieu113.

Le plan des sanctuaires domestiques minoens a également survécu pendant toute la période archaïque. À Dreros, près d'Olous on trouve un temple témoignant de la fusion des religions minoenne et grecque. C'est une petite pièce rectangulaire, de 11 m. sur 7,20 m. dans laquelle on entre par le côté nord. On y trouve un pilier, d'un demi-mètre de haut environ et qui supportait sans doute une table à offrande. On y a découvert également des idoles de type minoen. La survivance des traditions minoennes y est évidente, mais les Dieux honorés en cet endroits sont grecs et identifiés comme Apollon, Artémis et Léto114.

Ailleurs qu'en Crète, des lieux de culte font penser aux lieux de culte minoens. Ainsi, au sud de Rhodes, dans un lieu habité au VIe siècle av. J.‑C., des archéologues danois ont mis au jour en 1908 un sanctuaire d'une grande ressemblance avec le sanctuaire aux double-haches de Knossos115.

 

Continuité des lieux de culte 

Les grottes et cavernes de Crète, à la fin de la période minoenne, ne servaient plus à rien d'autre qu'au culte. Certaines grottes, comme celle de Kamares ou de Maurospilion sur le Mont Ida se retrouvent abandonnées à la fin de la période minoenne. Au contraire, d'autres, comme la grotte de Zeus, elle aussi sur les flancs du Mont Ida, commencent à être fréquentées à la même périodeN 20. La grotte de Psychro, celle ou Zeus est supposé être né, est la plus riche de toutes les cavernes de Crète, fréquentée à partir de la période d'apogée des Minoens jusqu'à la période géométriqueN 21'; celle d'Arkalochori ne sert plus non plus au culte à partir de la fin de la période minoenne116.

Ces grottes sont des exemples de lieux de culte abandonnés après la période minoenne, tandis que dans d'autres, le culte a perduré. Dans la grotte de Patsos, sur les pentes occidentales du massif de l'Ida, des poteries minoennes ont pu être découvertes, ainsi qu'une inscription mentionnant Hermès Kranaios117. La grotte d'Ilithyie semble continuer à être utilisée après la période minoenne. Ainsi, Homère la mentionne dans l'Odyssée; et il semble même que son utilisation soit attestée jusqu'à la période romaine, si l'on en croit les fragments de poteries romaines et même les lampes chrétiennes retrouvées118.

 

Legs à la religion de la Grèce classique 

Plusieurs des emblèmes de la déesse mère furent associés plus tard aux déesses de la Grèce classique. Athéna hérita des serpents et des qualités martiales, Ilithyie des accouchements, Artémis des bêtes sauvages, Aphrodite des colombes, et Déméter des pavots. On retrouve les lions dans le culte de Cybèle, en Asie mineure, et dans l'ensemble on peut dire qu'il existe une grande affinité entre la déesse minoenne et les puissantes divinités féminines d'Asie mineure. La phrygienne Cybèle, la mère d'Idè, Ma la mère d'Attis, et l'Artémis d'Éphèse sont bien connues aux époques grecque et romaine mais on trouve des cultes semblables en des temps beaucoup plus reculés. Une puissante déesse solaire et guerrière, ayant comme emblèmes le lion, la panthère et la colombe, était adorée dans la ville d'Arinna pendant la première période hittite7.

Les dieux de l'Olympe (Zeus, Poséidon, Apollon...) semblent étrangers au petit panthéon de la religion minoenne, dominé par les divinités féminines. Pourtant ces dieux indo-européens furent dans certains cas assimilés à des dieux plus anciens : ainsi en Crète, Zeus fut identifié au Jeune dieu et appelé Kouros (jeune garçon) et Zeus Velchanos. On croyait qu'il naissait et mourait tous les ans. D'autres enfants divins, survivants de la religion préhellénique, étaient Linos, Ploutos ou Érichtonios et Dionysos11. Dans les tablettes en linéaire B de Knossos et Pylos, le panthéon des temps classiques apparait à un stade assez avancé. Les noms d'Héra, Athéna, Zeus et Poséidon y figurent. L'explication tient du fait que les Achéens avaient déjà une religion polythéiste, née de la fusion de leurs propres dieux avec ceux des préhellènes11. Selon Diodore de Sicile, la Crète a exporté ses dieux dans toutes les parties du monde119,120.

 

Zeus

 


Bouclier de bronze de la période géométrique. Zeus (au centre) est entouré des Courètes jouant du tambour.

 

 

 

Hésiode raconte la naissance de Zeus dans sa Théogonie. Il raconte comment Rhéa, pour sauver son fils, est conduite à Lyttos, en Crète, où elle enfante Zeus qui est remis à Gaïa qui le cache dans une grotte. Et l'ensemble des récits affectés à l'enfance de Zeus en Crète serait révélateur de croyances et de pratiques fort anciennes établissant que les Minoens auraient été attachés au culte d'un Dieu viril infiniment plus vieux que le Zeus hésiodique3. L'exploration de la grotte du Diktè par Hogarth à la fin du XIXe siècle prouva que les traditions à propos de la naissance de Zeus pouvaient être rattachées à ce lieu. La mise au jour de la partie supérieure de la grotte, obstruée par des rochers, révéla un autel sacrificiel et de nombreuses double-haches, dont la présence semble directement reliée au dieu lui-même121.

 

Britomartis 

Le culte de Britomartis serait d'origine minoenne. Son nom signifierait « douce vierge » en minoen et son culte persista bien après la période minoenne dans de nombreuses cités crétoises, comme à Dreros, où elle était célébrée sous le nom de Britomarpis, qui semble être la variante crétoise de son nom5. De plus, dans la mythologie, elle est associée à Minos, à qui elle aurait échappé, refusant d'être mariée à lui, pour se cacher dans une caverne à Égine, où elle fut célébrer sous le nom d'Artémis au temple d'Aphaïa122.

 

Diktynna 

Diktynna est sûrement une autre descendante possible de la Grande-déesse minoenne. Diktynna, comme Artémis, était une déesse de la campagne, des montagnes, et de la chasse. Son culte ne se limitait pas à la Crète et fut célébré entre autres à Athènes et Sparte et ce, encore à des périodes bien postérieures à l'époque minoenne. Ainsi, des pièces crétoises de l'époque de Trajan ont été découvertes la représentant assise sur des rochers entre deux curètes nourrissant l'enfant Zeus122. Son culte fut célébré particulièrement sur le Diktynnaion, entre Kydonia et Phalasarna, où un temple fut élevé, et dont les revenus servaient lors de l'occupation romaine aux travaux publics dans toute la Crète122.

 

Déméter 

Selon Homère, Déméter arrive en Grèce en provenance de Crète. Déméter est supposée avoir été étreinte par Iasion dans un champ labouré. Cette union est à mettre en relation avec le cycle de la végétation, si présent dans la religion minoenne. Les attributs de Déméter que sont les serpents, les animaux, les arbres et les coquelicots peuvent être considérés comme des témoins de l'origine de la déesse123. De plus, le nom de la déesse apparait sous sa forme dorique sur une bague du IIIe siècle. Cette bague a été offerte à la déesse en tant que Mère. À Knossos, jusqu'au Ier ou IIe siècle, Perséphone est appelée la Vierge. La présence de ces deux appellations ne sont pas sans rappeler les noms de la Grande Déesse minoenne124. Diodore de Sicile écrit même que les mystères d'Éleusis sont originaires de Crète et que les mystères étaient enseignés publiquement à Knossos, où ailleurs ils étaient enseignés en secret120. Lorsque Diodore déclare que l'on retrouve les dieux crétois dans le reste du monde, il prend l'exemple de Déméter, dont le culte part de Crète pour passer en Attique, avant d'atteindre la Sicile puis l'Égypte119,120.

 

Ariane 

Ariane est évidemment liée à la Crète, au travers du mythe de Thésée et du Minotaure. Cependant Nilsson observa qu'aucune autre héroïne ne mourait d'autant de façons différentes, et que ceci ne pouvait s'expliquer que par un culte de la mort d'Ariane. Ainsi, en étudiant les festivals d'Ariane à Naxos, il démontra que le rite ressemblait à culte de la végétation, bien connu des religions orientales, mais absent dans la religion grecque classique. Mais dans les religions orientales, c'est d'un Dieu dont il s'agit, alors qu'à Naxos, c'est une déesse. Sa mort est célébrée tous les ans, puisqu'elle meurt tous les ans. Cette forme n'étant pas grecque, ni orientale sous cette forme, elle peut être considérée comme directement héritée des traditions minoennes122.

 

Ilithyie 

Ilithyie était la déesse des accouchements. Homère, dans l'Odyssée, raconte comment elle aida Léto à accoucher d'Apollon à Délos. Il mentionne aussi la grotte d'Ilithyie à Amnisos ce qui pourrait signifier que la déesse dérive d'une divinité et d'un culte minoen plus anciens. Cette grotte servit au culte, du néolithique à l'époque romaine. Le culte de cette déesse était largement répandu en Grèce, et encore plus en Crète. Son nom, non indo-européen, pourrait venir directement de l'ancienne langue minoenne125.

 

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