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CHOMOLANGMA

Réflexions sur le sens de la vie. Diversités culturelles et médiatiques.

Thomas Andrews (2).

Publié le 28 Avril 2012 par CHOMOLANGMA in GÉOGRA-Milieu - Patrimoine mondial-monde maritime

La traversée

 

 

 

 

Lors de l'incident avec le New-York, Andrews trouve la situation « franchement désagréable »17. Puis il profite de l'escale à Cherbourg pour envoyer une lettre à son épouse dans laquelle il l'informe que tout se passe pour le mieux et que le beau temps laisse présager un voyage agréable. Il mentionne également le Nomadic et le Traffic dans les termes suivants : « Les deux transbordeurs ont l'air bien ». Tout deux ont été construits un an plus tôt pour transporter les passagers, du port de Cherbourg jusqu'au Titanic. Enfin il rajoute : « J'ai un siège à la table du docteur »17. Helen Andrews reçoit une dernière lettre de son mari, postée à Queenstown (aujourd'hui Cobh) et datée du 11 avril, qui lui apprend une nouvelle fois que tout se déroule à merveille. Le groupe de garantie qui l'accompagne, se compose d'un chef dessinateur, un assistant et un apprenti électricien, un apprenti menuisier, deux contremaîtres ajusteurs également accompagnés d'un apprenti, et enfin, un apprenti plombier. Tous ces jeunes gens sont alors promis à un bel avenir, mais aucun d'entre eux ne survit au naufrage2.

Durant la traversée, ils sont chargés d'aider l'équipage à se familiariser avec le paquebot et les mécaniciens avec leur machines. Ils prennent également soin de noter toutes les modifications possibles pouvant améliorer le navire. Avec son carnet de notes toujours à la main, Thomas Andrews arpente le Titanic en long et en large, traquant la moindre petite imperfection. Il découvre par exemple que l'une des tables à vapeur, de la cuisine du restaurant, fonctionne mal. Puis il note que le crépis de la promenade privée est trop foncé, et toujours pour des raisons esthétiques, que certains meubles en osier devraient être repeint en vert. Soucieux du détail, Andrews remarque également qu'il faut réduire le nombre de vis sur les patères des porte-chapeaux. Enfin, constatant que le salon de lecture, destiné au repos des dames après le dîner, est finalement peu utilisé, il prévoit de créer à la place deux autres cabines de première classe2.

 

 

 


Violet Jessop écrit dans ses mémoires que, comme tout l'équipage, elle a beaucoup admiré Thomas Andrews.

 

 

 

C'est le steward Henry Etches qui est en charge de la cabine de Thomas Andrews. Il a déjà eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises sur l'Olympic. Tous les matins à 7 h 00, Etches lui apporte du thé et des fruits, puis il le retrouve à 18 h 45 précises, avant le dîner, pour l'aider à enfiler sa tenue de soirée20. Le steward a par la suite déclaré que Andrews n'arrêtait de travailler que le temps des repas21. Andrews jouit d'une grande popularité parmi les passagers, mais il est tout autant apprécié par l'équipage et devient parfois le confident de certain d'entre eux, comme le premier officier William Murdoch qui lui confie ses soucis avec Henry Wilde, venu le remplacer au dernier moment au rang de commandant en second22. D'après l'hôtesse Mary Sloan, dès que quelque chose va mal, c'est toujours à Andrews que l'équipage demande aide ou conseil. En effet, il se préoccupe du bien-être de chacun, qu'il s'agisse des officiers, des stewards, des hôtesses, des mécaniciens ou des chauffeurs. Le chef boulanger, Charles Joughin, fait même cuire des miches de pains spécialement pour lui2. Dans ses mémoires, l'hôtesse Violet Constance Jessop mentionne Thomas Andrews, qui est selon elle, la seule personne à avoir vraiment tenu compte des demandes de l'équipage. Les membres du personnel ont l'habitude de le croiser lors de ses tournées, déambulant discrètement dans les coursives, avec un visage fatigué mais un air satisfait. Il ne manque jamais de s'arrêter pour un mot joyeux. D'après Violet Jessop, tout le monde sait combien Andrews aime sa maison irlandaise, et à quel point il lui tarde de rentrer profiter d'un repos bien mérité, afin oublier pour quelque temps la conception du navire23. Mary Sloan remarque elle aussi à quel point sa maison lui manque. Elle raconte que parfois entre deux éclats de rire, Andrews devient tout à coup grave et son regard semble alors se perdre au loin, vers ses maisons, Ardara et Dunallan. Mary Sloan le croise notamment le vendredi 12 au soir, dans le Grand Escalier, alors qu'il s'apprête à aller dîner. Mais l'architecte semble avoir l'esprit ailleurs et lui parle de sa famille. Il lui avoue que la seule chose qu'il n'aime pas du Titanic, c'est qu'il l'éloigne chaque heure un peu plus de chez lui. À ce moment, l'hôtesse lui trouve l'air très triste et fatigué17.

Mais le dimanche 14 avril, Andrews semble être redevenu lui-même. Il retrouve à sa table le Dr O'Loughlin, chirurgien du navire, avec lequel il a pris l'habitude de manger24 ainsi qu'Albert et Vera Dick, un couple de Canadiens voyageant en première classe avec lesquels il s'est lié d'amitié. Ceux-ci témoignent qu'Andrews passe le dîner à parler de sa maison, de sa femme et de sa fille ; mais qu'il est aussi très fier de son navire. En forme et de bonne humeur, il annonce même que le Titanic est aussi parfait qu'un cerveau humain peut l'imaginer17. Après le repas, il rend visite au boulanger pour le remercier de ses miches spéciales. Puis il retourne directement dans sa cabine et s'installe à sa table de travail afin de se plonger dans les plans du Titanic, et relire ses notes prises au cours de la journée. Thomas Andrews travaille ainsi jusqu'au moment de la collision, qui a lieu le même soir25.


Le naufrage 


Collision et estimation des dégâts


Pendant le naufrage, l'une des principales préoccupations d'Andrews fut de s'assurer que tout le monde avait un gilet de sauvetage.

 

 

 

À 23 h 40, Andrews est toujours en train d'étudier les plans, lorsque le Titanic heurte un iceberg. Sur le coup, il ne se rend compte de rien, mais peu de temps après un homme frappe à sa porte et l'informe que le capitaine Edward Smith requiert sa présence immédiate sur la passerelle22. Smith et Andrews descendent rapidement jusqu'au pont G, où ils découvrent avec effroi que l'eau a envahi la salle de tri postal, et le court de squash. Au total, cinq compartiments sont déjà inondés et Andrews est le premier à comprendre que le Titanic est condamné, puisque celui-ci ne peut se maintenir à flot avec plus de quatre compartiments inondés. Les deux hommes remontent ensuite en tentant d'éviter les endroits fréquentés par les passagers, pour ne pas créer de panique25. De retour sur la passerelle, et après un bref calcul, il informe aussitôt le capitaine Smith du sort du paquebot et lui conseille d'ordonner la mise à l'eau des canots. Selon lui, il reste environ une heure avant que le navire ne sombre entièrement26. Finalement le Titanic tient deux heures et quarante minutes, entre la collision et sa disparition.


Évacuation des passagers 

Tout au long du naufrage, Andrews parcourt sans relâche les coursives afin de vérifier que personnes ne reste dans sa cabine, exhorte les passagers à mettre leurs gilets de sauvetage et à monter sur le pont des embarcations au plus vite27. Plusieurs passagers et membres de l'équipage rescapés témoignent l'avoir rencontré ou aperçu à plusieurs reprises. Il est donc à peu près possible de retracer ses agissements au cours de ses dernières heures. Ainsi, la passagère de première classe, Eleanor Cassebeer, rencontre Andrews alors qu'elle revient de la proue, sur laquelle elle a vu de la glace. Celui-ci lui assure qu'il n'y a aucun danger28. Quelques minutes plus tard, il tient le même discours au steward James Johnson, qu'il croise alors qu'il descend au pont G avec le capitaine. Malgré son air qui se veut rassurant, Andrews ne semble pas croire à ses propres propos. Cela n'échappe pas à Johnson qui comprend que la situation est inquiétante29. C'est ensuite au tour de l'hôtesse Mary Sloan de rencontrer Andrews au détour d'une coursive. Ayant entre temps découvert les dégâts au pont G, il l'informe que la situation est grave, mais qu'il ne faut pas répandre la mauvaise nouvelle afin d'éviter un mouvement de panique30. Andrews l'encourage à mettre son gilet de sauvetage et à sortir sur le pont, pour montrer l'exemple31.

Quelque temps après, il escorte ses amis Albert et Eva Dick au canot no 3, dans lequel il les fait immédiatement monter, avant de repartir dans les coursives du navire. Une autre hôtesse raconte l'avoir aperçu frappant aux portes des chambres pour réveiller leurs occupants et les persuader de sortir. Se tournant vers elle, Andrews lui demande de veiller à ce que les passagers soient emmenés dehors. Il ordonne ensuite de faire distribuer des bouées de sauvetage, et de mettre des couvertures dans les canots32. Ernest Edward Wheelton, un steward de salon, affirme également l'avoir vu. Alors qu'il se rend au canot no 5, il croise à son tour Thomas Andrews qui ouvre les portes des cabines à la recherche de passagers retardataires33. Puis alors qu'elle se rend sur le pont, Eleanor Cassebeer rencontre une seconde fois Thomas Andrews. Ce dernier, attrapant son bras, la fait monter dans un canot sans lui demander son avis. Avant que celui-ci ne descende à la mer, la passagère se souvient même avoir vu Joseph Ismay venir en aide à Andrews pour faire monter d'autres femmes dans les canots. Celles-ci, en s'accrochant à leur mari, rendent la tâche des deux hommes plus difficile encore28. Enfin, des ouvriers miraculés témoignent aussi avoir vu l'architecte descendre dans les salles des machines, pour les rassurer et les encourager, tandis qu'ils continuent de travailler auprès des chaudières32.


Derniers instants


Andrews a été vu pour la dernière fois dans le fumoir de première classe du Titanic.

 

 

 

Alors qu'il ne reste au Titanic qu'une vingtaine de minutes avant de sombrer, Thomas Andrews se trouve à nouveau sur le pont des embarcations. La foule commence désormais à s'agiter, mais il y a encore des femmes qui répugnent à quitter le navire. Pour se faire entendre et attirer l'attention sur lui, Andrews agite alors les bras en annonçant d'une voix forte : « Mesdames, il n'y a pas une minute à perdre. Vous ne pouvez pas choisir votre canot. N'hésitez pas, montez, montez ! »32. Il voit Mary Sloan en train de patienter devant un canot de sauvetage (probablement le no 6), mais sous prétexte que ses amis attendent à l'arrière, elle ne veut pas embarquer immédiatement. Pourtant, à force d'insister, Andrews parvient à la faire monter dans le canot30,34. Quinze minutes avant la fin il est entrevu se dirigeant, un gilet de sauvetage à la main, vers la passerelle de navigation, peut-être dans l'espoir d'y retrouver le capitaine32. À ce moment, tout ce qui pouvait être fait a été fait.

Thomas Andrews est vu pour la dernière fois par le steward John Stewart vers 2 h 10 (soit dix minutes avant la disparition du Titanic sous les flots). Il est alors seul dans le fumoir, l'air anéanti et apparemment sous le choc. D'après le steward, l'architecte se tient devant la cheminée, face au tableau L'approche du Port de Plymouth de Norman Wilkinson. Il lui demande s'il ne veut pas tenter sa chance, mais Andrews demeure muet. Son gilet de sauvetage est déposé sur la table d'à côté35,36. Il meurt dans le naufrage, et son corps, s'il fut retrouvé, n'a jamais été identifié.

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