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CHOMOLANGMA

Réflexions sur le sens de la vie. Diversités culturelles et médiatiques.

Cheval au Moyen Âge (2).

Publié le 23 Février 2011 par CHOMOLANGMA in HISTOIRE-Époque médiévale (du Ve au XVe siècle)

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Cheval et transport 

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Une litière lors de l'entrée de Charles IV à Saint-Denis. Grandes Chroniques de France enluminées par Jean Fouquet, Tours, vers 1455-1460.
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Les voyages en chariot ne sont pas exempts de dangers. Ici, l'accident de l'antipape Jean XXIII sur l’Arlberg, en route pour le Concile de Constance.
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Tout au long du Moyen Âge, le cheval est le principal moyen de transport pour les personnes de toutes les classes sociales et dans tous les contextes, il est donc largement utilisé. Les classes supérieures et les cours royales se déplacent entre leurs différentes propriétés et leurs successions. La diplomatie exige de longues chevauchées, la guerre et les croisades mènent aussi les hommes dans de lointains pays à dos de cheval. Bien qu'ils utilisent plus volontiers l'âne, les ecclésiastiques voyagent entre les églises et les monastères, jusqu’à Rome, à dos de cheval, et les différents établissements religieux en possèdent toujours quelques-uns. Les gens de toutes classes effectuent des pèlerinages, ou voyagent pour trouver du travail, mais seuls les plus fortunés ont pu se permettre d'utiliser le cheval. D’autres font de la chevauchée un passe-temps[77],[78]. La plupart des gens effectuent les petits trajets à pied et utilisent les chevaux pour de longs trajets[79]. Pour les classes supérieures, les voyages s’accompagnent de beaucoup de faste, de beaux chevaux effectuent de magnifiques cavalcades pour afficher la richesse de leur propriétaire comme pour assurer son confort personnel[80]. Par exemple, en 1445, la maison royale anglaise possède soixante chevaux pour l’usage du roi et 186 pour les « chars » (chariots)[81].

Les convois de mules et les barges sur les rivières et les canaux sont également utilisés pour le transport sur longue distance, même si les véhicules hippomobiles sont préférés pour des trajets plus courts[82]. Dans les zones pourvues de bonnes routes, des services de transport réguliers sont établis entre les principales villes[83]. Toutefois, les routes médiévales sont généralement très mauvaises, le transport de passagers y est rare. Lorsque les routes sont autorisées, les premières calèches sont développées à partir de chariots de marchandises. Les voyages sont rendus plus confortables à la fin du XIVe siècle grâce à l’introduction de la suspension[84].

La vitesse d’un voyage équestre varie considérablement. La plupart des convois sont ralentis par la présence de chariots lents et de litières, ou par les hommes à pied qui peuvent rarement couvrir plus de 30 km par jour. La plupart des petits groupes hippomobiles peuvent couvrir 30 miles par jour. Toutefois, il existe des exceptions grâce à l’arrêt pour un changement de chevaux à mi-chemin. Richard II d'Angleterre a réussi une fois à couvrir les 70 miles entre Daventry et Westminster en une seule nuit[85].

Pour l’élevage, la guerre et le voyage, il est nécessaire de transporter les chevaux eux-mêmes. À cette fin, des bateaux sont adaptés et conçus pour être utilisés pour le transport des chevaux. En 1066 lors de la l’invasion de l’Angleterre, Guillaume de Normandie transfère plus de 2 000 chevaux à partir de la Normandie[86]. De même, lors de ses voyages en France en 1285 et 1286, Édouard Ier d'Angleterre convoie plus de 1 000 chevaux à travers la Manche[87].

Chevaux de selle 

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Cheval de selle sur une miniature anglaise du XIIIe siècle à propos de l'Apocalypse.
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Les chevaux de selle sont utilisés par une grande variété de gens au Moyen Âge, avec de très grandes variations dans leur qualité, leur taille et leurs conditions de reproduction. Les montures des chevaliers et des nobles sont réservées à la guerre, à l’apparat et au prestige. Tous possèdent des chevaux de selle de moindre valeur afin de garder leurs chevaux de bataille uniquement pour la guerre[26]. La chasse, entre autres la chasse au faucon qui est documentée par des sources iconographiques, forme l'une des principales utilisations du cheval de selle, mais les aristocrates qui en possèdent organisent aussi des courses de chevaux, des tournois et des manœuvres de cavalerie afin d'étaler leurs richesses et de montrer leur puissance[88].

Les noms des chevaux de selle font référence à un type plutôt qu’à une race. Beaucoup de chevaux sont décrits par la région ils (ou leurs ancêtres) sont nés. Par exemple, en Allemagne et en Hongrie, les chevaux sont utilisés pour la selle[17] individuelle et souvent décrits sur leurs allures « trotteurs » ou « ambleurs », sur leur couleur, ou par le nom de leur propriétaire[89]. Les meilleurs chevaux de selle sont connus comme des palefrois. Les femmes qui montent à cheval possèdent parfois de petits palefrois calmes, connus sous le nom de genets ou de haquenées[31].

Chevaux de bât et de trait 


Le cheval de bât est chargé du transport de biens d’équipement attachés directement sur son dos[31], son utilisation est commune. Les chevaux de trait peuvent être utilisés comme chevaux de bât également[81]. Les chevaux de bât et de trait transportent du matériel dans le cadre du commerce, de l’agriculture, ou des campagnes militaires. Ces chevaux sont plus petits que leurs homologues modernes, les œuvres picturales et les preuves archéologiques suggèrent qu’ils sont robustes mais petits soit de 1,30 m à 1,40 m, et capables de tracter de 230 à 270 kg par cheval[90]. Les attelages à quatre et deux roues sont plus fréquents dans les villes comme Londres, et, selon le type de chariot et le poids de la charge, généralement tirés par deux, trois ou quatre chevaux attelés en tandem[83]. À partir du XIIe siècle, en Angleterre, l’utilisation des bœufs pour tirer les charrettes est progressivement remplacée par l’utilisation de chevaux. Ce changement est dû à la plus grande rapidité du cheval pour le transport des marchandises, et son déplacement sur de plus grandes distances que le bœuf ne le permet[91].

Agriculture 

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Le cheval de trait est muni d’un collier d'épaule pour supporter le poids de la herse sur cette illustration d'octobre dans Les Très Riches Heures du duc de Berry.
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Les Romains pratiquent la rotation des cultures sur deux terrains, mais à partir du VIIIe siècle, la rotation à trois terrains devient plus fréquente. Un champ est semé avec une culture d’hiver, le second avec une culture de printemps, et le troisième laissé en jachère. Cela permet une plus grande quantité de cultures de printemps, ainsi que la culture de l’avoine, qui fournit le fourrage pour les chevaux[92]. Une autre avancée au cours du Moyen Âge réside dans le développement de la charrue et son alourdissement qui permet de labourer facilement les sols lourds. Cette technologie nécessite l’utilisation de grandes équipes d’animaux de trait, dont les bœufs et les chevaux, ainsi que l’adoption de grands domaines[93] en particulier après le XIIe siècle, où le recours accru à la fois au collier d'épaule et à l’utilisation du fer à cheval permettent aux travaux agricoles d’être réalisés de manière plus efficace par les chevaux[94]. Les équipes se composent généralement de quatre chevaux, ou peut-être six, par rapport à huit bœufs. La compensation vient du fait que les chevaux doivent être nourris de grain, à la différence des bœufs. L’augmentation de la vitesse des chevaux permet de labourer davantage de terrains en un jour, avec une équipe de huit heures en moyenne, le bœuf labourant un demi-acre par jour, et le cheval une acre en moyenne par jour[91].

Pour les travaux agricoles tels que le labourage et le hersage, le cheval de trait est appelé affrus (ou Stott), cet animal est généralement plus petit et moins coûteux que le cheval de selle[90]. Alors que les bœufs sont traditionnellement utilisés comme animaux de travail sur les fermes, les chevaux commencent à être utilisés en grand nombre après le développement du collier d'épaule[95]. Les bœufs et les chevaux sont parfois exploités ensemble. Le passage des bœufs aux chevaux pour les travaux agricoles est documenté dans des sources iconographiques[Note 4]. Le changement de rotation des cultures augmente la production de plantes fourragères (principalement l’avoine, l’orge et les haricots)[96]. Les chevaux sont utilisés pour traiter les cultures, ils font tourner les roues des moulins et transportent des produits sur le marché[97]. La modification des équipes de traction entraîne un changement des charrues car les chevaux sont adaptés aux charrues à roues, à la différence des bœufs[91]. Contrairement à une idée tenace et répandue, le cheval de trait n'est pas exploité jusqu'à son dernier souffle par les paysans médiévaux : l'animal fait l'objet de soins attentifs et se voit parfaitement intégré au cercle familial[98].

La possession d'un cheval par les agriculteurs et paysans français semble très peu fréquente jusqu'au XIe siècle au moins, où il reste l'apanage des religieux et de l'aristocratie[99]. C'est en Europe centrale et du Nord que le cheval est le plus largement adopté dans l'agriculture du XIIIe siècle naissant, mais aussi pour défricher de grandes étendues de terrain[100]. L'apparition du cheval dans le monde paysan au sud de la Loire est tardive[101], et il n'est donc pas unanimement adopté dans toutes les régions européennes.

Équipement équestre et innovations technologiques 


Le développement de technologies équestres se fait au même rythme que celui de l’élevage de chevaux. Les modifications apportées à la cavalerie lourde en temps de guerre pendant le bas Moyen Âge sont fondamentales et comprennent l’arrivée de l’étrier et de la selle semi-rigide à partir d’autres cultures. De manière générale, le perfectionnement du harnachement dépend de l'évolution des techniques de combat et du rôle tenu par le cavalier dans la guerre[102].

Fer à cheval 


Article connexe : Fer à cheval.
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L'utilisation du fer à cheval doit attendre le Moyen Âge pour se généraliser en Occident[103]. Son développement permet des voyages plus longs, en particulier dans les terres humides du Nord de l’Europe. Il est utile pour les campagnes militaires en terrains variés[43]. En assurant la protection et le soutien des pieds des chevaux, les fers cloutés améliorent aussi l’efficacité du cheval de trait[94]. Bien que les Romains aient mit au point une forme de protection en fer (l'hipposandale) qui ressemble à une botte pour le sabot, ils ne semblent pas être les inventeurs de la ferrure métallique. Le débat sur les origines du fer à cheval clouté n'est pas clôt mais il ne n'est vraisemblablement pas d’invention européenne. Il existe peu de preuves de son utilisation avant 500 ou 600. Les peuples gaulois auraient été les premiers à ferrer du métal sur les pieds des chevaux[104], toutefois, le plus ancien document écrit faisant clairement référence au fer à cheval date de 910[105], et l'historien L. White pense que ses premières utilisations remontent à la fin du IXe siècle[103].

D’autres preuves archéologiques suggèrent que les fers aient été utilisés en Sibérie lors des IXe et Xe siècles, et se seraient propagés à Byzance peu après, pour voir leur utilisation étendue à toute l’Europe au XIe[106]. Au moment des croisades de 1096, les fers à cheval sont très répandus et fréquemment mentionnés dans diverses sources écrites[105].

Selle

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Selle ornée (autrichienne ou hongroise) issue de l'armurerie royale de la tour de Londres, probablement offerte au roi Henry V d'Angleterre lors de son admission dans l'Ordre du Dragon en 1416.
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Le selle à arçon rigide fournit une surface d'appui pour protéger le dos du cheval du poids du cavalier, et répartir celui-ci. Les Romains sont crédités de l'invention de la selle solide en bois, peut-être dès le Ier siècle av. J.-C.[107], son usage étant généralisé au IIe siècle[108]. Les selles du haut Moyen Âge ressemblent à la selle romaine dite « à quatre cornes », elles sont utilisées sans étriers[109]. Le développement de l'arçon rigide est important, outre la sécurisation du cavalier sur le dos du cheval, il permet de réduire la pression exercée par pouce carré sur les parties du dos du cheval, ce qui augmente considérablement le confort du cheval et prolonge son utilisation[12]. Les chevaux peuvent porter un poids plus important lorsque celui-ci est réparti via un arçon solide, et le développement de l'arçon accroît la sécurité à cheval. Dès le XIIe siècle, où la selle haute de guerre devient plus commune, le cavalier est mieux protégé et sécurisé[43], le haut troussequin travaillé dans la selle de bois rigide lui permet d'utiliser la lance beaucoup plus efficacement[74].

Barde et caparaçon 


Articles détaillés : caparaçon et barde (cheval).
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Détail sur la barde d'un chevalier Saxon, exposés au château de Dresde.
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Sous la selle, le caparaçon ou le tapis de selle sont parfois utilisés. et peuvent être décorés ou brodés d'emblèmes et de couleurs héraldiques, ainsi que des armes de certaines familles[110]. Le caparaçon est la pièce de tissu couvrant le cheval afin de le protéger des coups d'épée et des flèches au niveau des jambes, du cou et du poitrail. Ainsi, les premières housses de guerre sont plus longues par devant que par derrière. La housse de poitrail enveloppe la tête du cheval au-dessus des naseaux, deux trous étant prévus pour les yeux. Les oreilles peuvent être découvertes ou protégées. Le caparaçon est doublé au niveau du cou et de la croupe, il est employé à partir de 1220.

Les chevaux de guerre pouvaient être équipés de protections supplémentaires, couvertures et armures nommés la barde, à des fins décoratives ou de protection. Les premières formes d'armure pour cheval, généralement limitées aux tournois, comprennent des pièces en cuir rembourré, recouvertes par un tissu décoré, l'ensemble n'étant pas particulièrement lourd[70]. La maille et l'armure de plaque étaient aussi utilisé occasionnellement, il y a des références littéraires à l'armure du cheval (une « couverture de fer ») à partir de la fin du XIIe siècle[111].

Étriers 

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Étrier du Xe siècle, probablement un modèle utilisé par les Vikings.
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Article connexe : Étrier.
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La selle rigide autorise une utilisation plus efficace de l'étrier[12]. Il est développé en Chine, et largement utilisé dans ce pays en 477 AD[112]. Au VIIe siècle, principalement en raison des invasions venues d'Asie centrale, comme celle des Avars, les étriers arrivent en Europe[113] et les cavaliers européens les adoptent vraisemblablement au cours du VIIIe siècle[114]. Leur adoption est lente et la plus ancienne source iconographique représentant l'étrier remonte à un manuscrit de la fin du IXe siècle, conservé à l'abbaye de Saint Gall[115].

Entre autres avantages, les étriers fournissent plus d'équilibre et de soutient en selle, ce qui permet au chevalier d'utiliser son épée de manière plus efficace, sans tomber, en particulier contre l'infanterie[74]. L'utilisation accrue de l'étrier dès VIIIe siècle facilite la stabilité et la sécurité du guerrier sur sa selle lorsqu'il combat[116]. Cela peut avoir mené à une plus grande utilisation des tactiques de choc, même si une lance abaissée en position d'arrêt peut être utilisée efficacement sans étriers[74]. Charles Martel a tout particulièrement reconnu le potentiel militaire de l'étrier, et distribué les terres saisies à ses vassaux à la stricte condition qu'ils le servent au combat en chevauchant à la nouvelle manière[117].

Une théorie connue sous le nom grande controverse de l'étrier fait valoir que les avantages guerriers découlant de l'utilisation de l'étrier ont conduit à la naissance du féodalisme lui-même[118]. D'autres chercheurs contestent toutefois cette affirmation, suggérant que les étriers fournissent peu d'avantage dans la mêlée, et que leur utilité se résume à permettre à un cavalier de se pencher plus à gauche ou à droite sur la selle tout en combattant, et réduit simplement le risque de tomber. Par conséquent, ce ne serait pas la raison du passage de l'infanterie à la cavalerie dans les armées médiévales, ni la raison de l'émergence de la féodalité[119].

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