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CHOMOLANGMA

Réflexions sur le sens de la vie. Diversités culturelles et médiatiques.

Imagerie par résonance magnétique (5).

Publié le 1 Février 2012 par CHOMOLANGMA in SCIENCES-Histoire-Biologie-Bota-Zoo- Médecine

Spectroscopie IRM 

 


Si l’imagerie conventionnelle par IRM repose sur l’excitation des protons (noyaux d’hydrogène) de l’organisme, il est important de rappeler que tous les noyaux d’atomes caractérisés par un nombre de masse impair ont une charge nette et peuvent également acquérir un moment magnétique. Ces éléments sont dits IRM-actifs, peuvent s’aligner dans le champ magnétique de l’IRM et sont capables de produire un signal après excitation par un signal de radiofréquence adéquat. Les principaux éléments actifs sont l’hydrogène, le carbone, l’azote, l’oxygène, le fluor, le sodium et le phosphore. La spectroscopie IRM est la seule technique permettant l’analyse du métabolisme cardiaque de façon non-invasive et sans traceurs radioactifs. Elle nous renseigne sur le métabolisme énergétique du myocarde dans la cardiopathie ischémique, l’insuffisance cardiaque, l’hypertrophie myocardique et les maladies valvulaires, et permet d’évaluer la réponse aux traitements. La spectroscopie IRM relève encore du domaine de la recherche34.

Applications cliniques 


Maladie coronarienne 


L’IRM cardiaque offre en un seul examen une évaluation exhaustive de la cardiopathie ischémique avec caractérisation de la morphologie, de la fonction, de la perfusion et de la viabilité myocardiques. Un protocole d’imagerie standard comprend la mesure des volumes et de la fraction d’éjection du ventricule gauche à l’aide de séquences ciné en long axe et court axe. Les anomalies de la cinétique segmentaire sont évaluées sur ces mêmes images ; leur sévérité est classifiée de façon semi-quantitative (normokinésie, hypokinésie, akinésie, dyskinésie) et leur distribution est décrite à l’aide du modèle des 17 segments myocardiques. Après injection de gadolinium, les séquences de rehaussement tardif détectent les cicatrices d’infarctus, de localisation sous-endocardique ou transmurale avec une sensibilité supérieure à celle de la scintigraphie35. La distribution des zones de fibrose est décrite à l’aide du modèle des 17 segments. Le degré de transmuralité est inversement proportionnel à la probabilité de récupération fonctionnelle après revascularisation et constitue un indicateur de la viabilité myocardique36. Schématiquement, un segment akinétique avec rehaussement sous-endocardique touchant moins de 50% de l’épaisseur myocardique peut être considéré comme probablement viable, tandis qu’un segment avec rehaussement supérieur à 50% de l’épaisseur myocardique est considéré non-viable. Au sein de la cicatrice, hyper-intense, on peut parfois observer un noyau hypo-intense correspondant à une zone d’obstruction micro-vasculaire où le contraste ne peut pas pénétrer. La présence d’obstruction micro-vasculaire est un marqueur de sévérité de l’infarctus myocardique et est associé à un pronostic plus réservé en termes de récupération fonctionnelle37,38. Dans la phase aiguë (1-20 jours) de l’infarctus myocardique, les séquences en pondération T2 permettent d’identifier l’œdème myocardique, dont l’extension a été corrélée avec le volume myocardique à risque de nécrose39. L’œdème myocardique est de signal hyper-intense en pondération T2. Le rehaussement précoce après injection de gadolinium identifie également l’obstruction micro-vasculaire comme une zone myocardique hypo-intense au sein d’un myocarde fortement rehaussé par le gadolinium. Un signal hypo-intense situé dans la cavité ventriculaire et localisé en regard d’une paroi myocardique akinétique ou anévrysmale indique la présence d’un thrombus mural intra-ventriculaire associé à l’infarctus. Les séquences de rehaussement après injection de gadolinium en IRM cardiaques sont supérieures à l’échocardiographie de contraste pour l’identification de thrombus intra-cavitaires40. Les artères coronaires peuvent être visualisées directement à l’aide de séquences 3D de haute résolution (épaisseur de coupe de 1,5 mm avec résolution dans le plan de 1.0 x 1,0 mm). Leur trajet épicardique peut être évalué mais la résolution des images est actuellement insuffisante pour pouvoir juger de la présence et de la sévérité de sténoses coronariennes41. L’angiographie coronaire par IRM est un domaine de recherche actif et l’on s’attend à une amélioration notable de la résolution de ces acquisitions avec l’utilisation de champs magnétiques de plus haute intensité (3 Teslas ou plus) ; l’intérêt du développement de la coronarographie par IRM est de pouvoir caractériser la composition de la plaque et son risque de rupture en plus de la simple évaluation du degré de sténose, sans exposer le patient aux radiations42. Si l’IRM est actuellement inférieure à l’angio-CT coronaire pour la détection des sténoses coronariennes43, elle permet en revanche une excellente évaluation fonctionnelle de la perfusion myocardique. Dans les séquences de perfusion sous stress pharmacologique, on obtient une détection au moins aussi sensible de défauts de perfusion par rapport à la scintigraphie myocardique44. Plusieurs études ont démontré la valeur pronostique de l’IRM de perfusion, avec une excellente survie sans événement cardiovasculaire en cas d’IRM de perfusion normale45,46,47. Il s’agit donc d’un examen de choix dans le dépistage de la maladie coronarienne chez les patients présentant des douleurs thoraciques avec une probabilité clinique intermédiaire, ou dans le suivi des patients revascularisés qui présentent une récidive de douleurs thoraciques.

Maladies valvulaires 


Les valves normales sont des structures fines au mouvement rapide, de faible densité de proton, rendant leur visualisation difficile sur les séquences d’écho de spin. Elles sont mieux visualisées sur les séquences d’écho de gradient ou bSSFP, notamment en raison de la perte de signal occasionnée par les minimes turbulences du sang circulant au contact des feuillets valvulaires48. Ces séquences ciné permettent de juger de l’ouverture d’une valve cardiaque et d’en dépister une éventuelle insuffisance. La résolution temporelle de l’IRM, de l’ordre de 30 phases par cycle cardiaque, est nettement inférieure à celle de l’échocardiographie, et ne permet pas une évaluation morphologique complète de l’appareil valvulaire et sous-valvulaire. En particulier, il est difficile d’identifier la présence de petites structures très mobiles et, en cas de suspicion d’endocardite, seules les larges végétations peuvent être identifiées. L’IRM peut néanmoins être utile dans ce contexte pour identifier un abcès ou une extension extracardiaque de l’infection. L’intérêt principal de l’IRM dans l’évaluation des valvulopathies est sa capacité de juger de la sévérité des insuffisances valvulaires, de façon qualitative en inspectant la taille du jet régurgitant sur les images ciné, ou de façon quantitative par mesure des volumes ventriculaires et par mesure des débits par cartographie de flux. En ce qui concerne les valves aortique et pulmonaire, la mesure par cartographie de flux du volume d’éjection systolique et du volume régurgitant diastolique, au niveau de l’aorte ascendante ou du tronc pulmonaire, permet une quantification précise de la sévérité d’une insuffisance. Le rapport du volume régurgitant et du volume d’éjection correspond à la fraction de régurgitation qui caractérise la sévérité de l’insuffisance valvulaire. Des fractions de régurgitation supérieures à 50% pour la valve aortique et à 35% pour la valve pulmonaire ont été provisoirement suggérées comme un critère d’insuffisance sévère49. Pour la quantification d’une insuffisance mitrale, il est nécessaire de comparer le volume d’éjection obtenu par cartographie de flux au niveau de l’aorte ascendante (méthode des flux) avec le volume d’éjection calculé à partir des volumes télédiastolique et télésystolique du ventricule gauche (méthode des volumes). En l’absence d’insuffisance valvulaire aortique, le volume d’éjection est similaire pour les deux méthodes. En cas d’insuffisance mitrale isolée, la différence entre le volume d’éjection par méthode des volumes et le volume d’éjection par méthode des flux correspond au volume régurgitant à travers la valve mitrale49. Un protocole spécifique a été proposé pour caractériser la morphologie de la valve mitrale en cas d’insuffisance significative, afin de détecter la présence d’un prolapsus localisé et d’en estimer la sévérité50; cette étude montre la faisabilité de la technique mais ne compare pas ses performances à celles de l'échocardiographie trans-thoracique ou trans-oesophagienne. Pour l’insuffisance tricuspide, la planimétrie de l’orifice régurgitant à la vena contracta sur une séquence de cartographie de flux a été suggéré49. Pour l’évaluation de la sténose aortique, la mesure du gradient maximal peut s’effectuer par cartographie de flux, en plaçant de façon très soigneuse le plan de mesure, perpendiculaire au flux et à l’endroit de l’accélération maximale. Une bonne corrélation a été montrée entre l’IRM et l’échocardiographie pour la mesure du gradient maximal51. La surface d’ouverture de la valve peut être estimée par équation de continuité52 ou par planimétrie directe53. Sur le plan technique, rappelons que les mesures par cartographie de flux sont des mesures délicates qui requièrent de l’expérience de la part de l’opérateur. Le plan de mesure doit être soigneusement placé perpendiculairement au flux sanguin afin d’éviter toute sous-estimation des débits. Un champ magnétique très homogène est requis et une correction pour les inhomogénéités du champ peut s’avérer nécessaire lors de l’analyse des données54. Enfin, pour l’évaluation d’une insuffisance aortique, il faut se rappeler que le plan valvulaire se déplace vers l’apex en systole et vers l’aorte en diastole alors que le plan de mesure par l’IRM reste immobile. En diastole, le plan valvulaire se déplace donc en direction opposée au flux régurgitant, ce qui implique une sous-estimation systématique du volume régurgitant. Le degré de sous-estimation sera d’autant plus important que le la fonction systolique longitudinale du ventricule gauche est dynamique49.

Cardiopathies congénitales


L’IRM cardiaque est actuellement incontournable pour l’évaluation des cardiopathies congénitales. Les protocoles d’imagerie sont souvent complexes et doivent être ajustés à la pathologie de chaque patient. Ils associent, de façon variable, une évaluation morphologique de la disposition des organes intra-thoraciques et de l’arrangement des cavités cardiaques (séries de coupes diastoliques en « sang noir » ou « sang clair », ou acquisition d’un bloc 3D en respiration libre), une mesure de la taille et de la fonction des ventricules (séquences ciné), une évaluation de la perméabilité des conduits veineux ou chirurgicaux (séquences ciné, séquences d’angiographie), le dépistage de shunts intracardiaques (cartographie de flux), une évaluation de la fonction des valves (séquences ciné, cartographie de flux), la recherche de fibrose myocardique ou de cicatrice d’infarctus (rehaussement tardif, notamment après opérations nécessitant une réimplantation des artères coronaires), une évaluation de la perfusion myocardique en cas d’anomalies coronaires, une évaluation morphologique de l’anatomie des gros vaisseaux (avec notamment la recherche d’anomalies des branches de l’arche aortique ou de coarctation aortique par séquences d’angiographie), ou la localisation de collatérales aorto-pulmonaire ou de shunts chirurgicaux (séquences d’angiographie). Une partie importante de cette évaluation morpho-fonctionnelle peut être effectuée par échocardiographie. Cependant, son caractère multimodal et sa capacité de visualiser sans restriction les organes intra-thoraciques (notamment les cavités cardiaques droites, les veines pulmonaires, les gros vaisseaux et les conduits chirurgicaux) font de l’IRM le procédé d’imagerie de choix des cardiopathies congénitales. Au vu de la complexité des protocoles d’acquisition, il est important de planifier à l’avance le protocole d’imagerie pour un patient particulier en fonction de son histoire clinique, de ses antécédents chirurgicaux et de la problématique actuelle. Des recommandations synthétiques ont été publiées par les sociétés savantes concernées afin d’aider le radiologue et le cardiologue dans cette tâche55.

Cardiomyopathies 


Cardiomyopathie hypertrophique (CMH)


Les formes classiques de CMH avec hypertrophie asymétrique du septum sont facilement reconnues en échocardiographie qui permet une mesure précise de l’épaisseur des parois myocardiques, l’évaluation de la morphologie et de la fonction de la valve mitrale et la détection d’obstruction dynamique de la chambre de chasse du ventricule gauche. Sur le plan de l’évaluation morphologique, l’IRM cardiaque, en utilisant des séquences ciné en long axe et court axe des ventricules, est supérieure à l’échocardiographie pour la détection des formes atypiques, et en particulier de la CMH apicale56,57. Elle est également utile pour différencier la CMH d’une hypertrophie physiologique chez un sportif d’élite58. Les images ciné en long axe (3 et 4 cavités) peuvent détecter un mouvement antérieur systolique de la valve mitrale et la présence de flux turbulent dans la chambre de chasse, suggérant une possible obstruction dynamique (cardiomyopathie hypertrophique obstructive). Toutefois, la résolution temporelle de l’IRM, nettement inférieure à celle de l’échocardiographie, ne permet pas d’apprécier en détail le mouvement rapide du feuillet antérieur de la valve mitrale et la présence d’une obstruction dynamique significative ne peut pas être identifiée avec certitude. Il est ainsi préférable d’y associer une évaluation par échocardiographie avec mesure Doppler de la vitesse du flux de la chambre de chasse gauche. Dans la CMH, le rehaussement tardif identifie fréquemment une fibrose localisée aux points d’insertion du ventricule droit dans le septum. Cette zone où s’enchevêtrent les fibres issues des deux ventricules semble être particulièrement susceptible au développement de fibrose dans diverses cardiomyopathies ; elle n’est donc pas spécifique de la CMH et sa valeur pronostique est incertaine. Le rehaussement tardif est parfois détecté dans d’autres localisations myocardiques, et principalement dans les zones les plus hypertrophiées. À l’inverse de la fibrose de l’infarctus myocardique, homogène et de distribution sous-endocardique, le rehaussement de la CMH se distribue habituellement en patches irréguliers d’hyper-intensité variable. Il est tentant d’associer le degré de fibrose par rehaussement tardif à un pronostic plus défavorable ; cependant, bien que la présence de rehaussement tardif ait été associée à la présence de tachycardies ventriculaires non-soutenue et à une fréquence accrue d’extrasystoles ventriculaires, une corrélation directe n’a pas été établie de façon satisfaisante entre la fibrose myocardique et la mort subite59,60,61. La présence de fibrose étendue a été associée avec une évolution vers la cardiopathie dilatée et la dysfonction systolique62.

Cardiomyopathie dilatée 


Le volume ventriculaire gauche et sa fraction d’éjection sont mesurés avec précision et reproductibilité sur les séquences ciné. La cardiopathie ischémique est le principal diagnostic différentiel et le rehaussement tardif offre un outil pour différencier une cardiomyopathie dilatée d’une cardiopathie dilatée d’origine ischémique63. La présence de rehaussement sous-endocardique atteste d’épisodes ischémiques anciens et suggère une origine ischémique à la dysfonction ventriculaire. En l’absence de maladie coronarienne, le rehaussement sous-endocardique est en général absent, mais on peut observer, dans environ 35% des cas de cardiomyopathie dilatée, un rehaussement linéaire de distribution medio-ventriculaire, correspondant histologiquement à une bande de fibrose. La présence d’une bande de fibrose linéaire a été associée à un pronostic plus défavorable dans la cardiomyopathie dilatée64. Bien qu’elle apporte des informations pronostiques utiles dans la cardiomyopathie dilatée, l’IRM n’est pas recommandée actuellement comme le moyen de référence pour exclure une maladie coronarienne sous-jacente selon les recommandations actuelles65. Relevons enfin la possibilité d’une évaluation de la déformation et de la synchronisation myocardique par les séquences de tagging, qui pourrait à l’avenir complémenter l’évaluation échocardiographique dans le bilan avant implantation d'une thérapie de resynchronisation66.

Dysplasie arythmogène du ventricule droit (DAVD) 


Le diagnostic précoce de la DAVD est difficile à poser en raison d’une longue phase dormante initiale de la maladie ; il comprend plusieurs critères décrits en 1994 par la ARVD Task Force67, révisés au début de l’année 201068. Ces critères, spécifiques mais relativement peu sensibles pour le diagnostic de DAVD, regroupent des anomalies morphologiques, ECG, histologiques et cliniques. L’IRM cardiaque est le procédé d’imagerie de choix du ventricule droit et permet d’évaluer de façon très précise son volume et sa fonction systolique globale, et de détecter des anomalies de la cinétique segmentaire. Les anomalies retenues comme critères majeurs ou mineurs de la maladie sont la présence soit d’une akinésie ou d’une dyskinésie régionale, soit d’une asynchronie de contraction du ventricule droit, pour autant qu’elles s’accompagnent d’une dilatation du ventricule ou d’une dysfonction systolique. Les nouvelles recommandations de la Task Force introduisent des seuils de normalité pour le volume du ventricule droit et sa fraction d’éjection, offrant une meilleure reproductibilité des critères diagnostiques. Rappelons que la recherche d’infiltration fibro-adipeuse du myocarde par IRM à l’aide de séquences T1 avec et sans saturation de graisse ne fait pas partie des critères diagnostiques de DAVD et que la présence d’infiltration doit être prouvée en histopathologie. Il est également important de souligner que le diagnostic de dysplasie arythmogène ne s’établit pas uniquement sur la base de la morphologie du ventricule droit en IRM cardiaque, mais qu’il requiert l’intégration de ce résultat avec d’autres données ECG, cliniques et histopathologiques.

Amyloïdose 


L’amyloïdose cardiaque consiste en l’accumulation dans l’espace interstitiel de diverses protéines – l’atteinte cardiaque est principalement liée à l’amyloïdose de type chaînes légère d’immunoglobulines (AL) ou de type transthyretin (TTR), en conformation insoluble de fibrilles amyloïdes, conduisant à une dysfonction diastolique puis à une cardiomyopathie restrictive. Dans les cas typiques, les séquences ciné montrent un épaississement homogène et concentrique du myocarde des deux ventricules, un épaississement des feuillets valvulaires, une dilatation des deux oreillettes et la présence d’un épanchement péricardique. La fraction d’éjection des ventricules est préservée jusque dans les phases tardives de la maladie, mais on peut observer déjà précocement une réduction marquée de la contraction longitudinale avec préservation de la contraction radiale. La cinétique de distribution du produit de contraste dans le myocarde est altérée en cas d’amyloïdose, permettant d’obtenir une orientation diagnostique non-invasive et spécifique à l’aide des séquences de rehaussement tardif. On observe en effet une évacuation rapide du produit de contraste du pool sanguin avec un rehaussement des zones myocardiques les plus infiltrés par la protéine amyloïde, généralement sous-endocardiques69. La singularité de cette cinétique de distribution est la disparition très précoce du produit de contraste de la cavité ventriculaire, comme s’il était « aspiré » dans les tissus par la protéine amyloïde diffusément infiltrée. Le diagnostic d’amyloïdose peut être fortement suggéré à l’aide de séquences TI-scout (ou look-locker), des séquences de repérage consistant à répéter une acquisition en rehaussement tardif d’une coupe court axe du ventricule gauche, en incrémentant à chaque acquisition la valeur du temps d’inversion (TI), par exemple entre 80 ms et 400 ms. Les caractéristiques de l’amyloïdose dans cette séquence sont d’une part l’impossibilité de trouver un TI capable d’annuler complètement et de façon homogène le signal du myocarde, et d’autre part une séquence paradoxale d’annulation de signal, avec l’annulation de la majorité (>50%) du signal myocardique à des TI plus courts que celle du signal de la cavité ventriculaire70. L’image typique est celle d’un rehaussement diffus sous-endocardique en présence d’une cavité ventriculaire de signal hypo-intense (pour rappel, chez les patients sans amyloïdose, la cavité ventriculaire reste claire, d’intensité intermédiaire entre le myocarde de signal complètement annulé et les zones de fibrose hyperintenses). Il est important de rappeler qu’en cas de suspicion d’amyloïdose, ces séquences de rehaussement « tardif » doivent s’effectuer précocement (<4 minutes) après injection de gadolinium en raison de l’évacuation rapide du contraste dans les tissus, au contraire des séquences de rehaussement tardif standard, effectuées au moins 10 minutes après injection de gadolinium.

Hémochromatose 


Les séquences dédiées à l’hémochromatose en IRM permettent de mesurer le temps de relaxation T2* à partir d’acquisitions répétées en écho de gradient, en incrémentant à chaque acquisition la valeur du temps d’écho (TE). L’infiltration martiale du myocarde cause un déphasage plus rapide des spins des protons induisant une réduction du temps T2* proportionnelle à la sévérité de l’infiltration. Des valeurs de T2* inférieures à 10 ms ont été associées au développement d’insuffisance cardiaque71 et il a été montré que l’initiation et l’intensification d’un traitement chélateur en fonction des indices mesurés en IRM induit une réduction de la mortalité cardiaque chez ces patients72. L’IRM est donc un outil central dans l’évaluation de la sévérité de la maladie et dans l’optimisation des traitements. Il faut souligner que la sévérité de l’infiltration myocardique n’est pas forcément corrélée à celle de l’infiltration hépatique et que le résultat d’une biopsie hépatique ne permet pas de présumer de la sévérité de l’atteinte myocardique ; cette constatation a son importance si l’on garde à l’esprit que le pronostic de ces patients est largement conditionnée par la sévérité de l’atteinte cardiaque.

Myocardite


La myocardite est une atteinte inflammatoire du myocarde, d’origine le plus virale ou post-virale (la maladie de Chagas, une infection parasitaire, représente un diagnostic différentiel important en Amérique du Sud). Le tableau clinique en phase aiguë associe fréquemment des douleurs thoraciques, des anomalies ECG de type péricardite et une élévation de la concentration sérique de troponine, attestant d’un dommage myocardique. La fonction systolique des ventricules est le plus souvent préservée ou légèrement diminuée, mais des atteintes fulminantes avec dysfonction systolique sévère et choc cardiogène sont possibles. La myocardite aiguë peut évoluer vers une résolution complète ou progresser vers une dysfonction systolique73. Il a été suggéré que la myocardite virale contribue de façon importante au développement de la cardiomyopathie dilatée jusque dans 60% des cas74,75. L’IRM cardiaque mesure avec précision les volumes ventriculaires et la fraction d’éjection. Des anomalies de la cinétique segmentaire sont occasionnellement détectées, de même que la présence d’épanchement péricardique. En IRM, les séquences de rehaussement tardif mettent en évidence une fibrose myocardique dont la distribution est typiquement sous-épicardique ou medio-ventriculaire et touche fréquemment la paroi latérale76 ; dans les cas où la présentation clinique est équivoque, la distribution du rehaussement tardif aide à différencier une atteinte inflammatoire (rehaussement épicardique ou medio-ventriculaire) d’une atteinte ischémique (rehaussement sous-endocardique) ; dans une minorité de cas, le rehaussement est transmural, et l’IRM ne permet pas de distinguer les deux étiologies. Il a été suggéré que la localisation de la fibrose et de l’inflammation, ainsi que le pronostic étaient corrélés à l’étiologie virale : une atteinte sous-épicardique de la paroi inférolatérale était associée à la présence de génome de parvovirus B19 et à une résolution spontanée alors qu’une atteinte septale était associée au virus herpès HHV-6 (ou à l’association HHV-6 et parvovirus B19) avec un risque plus élevé de progression vers l’insuffisance cardiaque77. En phase aiguë, un œdème myocardique est fréquemment détecté à l’aide des séquences en pondération T2, de même qu’un hypersignal dans les séquences de rehaussement précoce après injection de gadolinium ; ces séquences sont proposées, en plus de l’étude des volumes et du rehaussement tardif, pour le diagnostic de la myocardite en IRM78.

Sarcoïdose cardiaque


La sarcoïdose est une maladie inflammatoire systémique impliquant le myocarde. Une atteinte myocardique est fréquente mais difficile à diagnostiquer dans les phases précoces de la maladie et n’est reconnue que dans une minorité des cas. L’atteinte cardiaque se manifeste par une dilatation ventriculaire avec dysfonction systolique progressive, ou par des arythmies ventriculaires. Alors que les atteintes tardives avec dysfonction ventriculaire et anomalies de la cinétique segmentaire peuvent être facilement reconnues à l’échocardiographie, l’IRM peut détecter une atteinte myocardique à un stade précoce79, et guider le traitement immunosuppresseur afin de tenter de retarder la survenue de complications. Le rehaussement tardif permet la détection de patches hyperintenses d’inflammation et de fibrose myocardique. Les séquences pondérées en T2 détectent fréquemment un signal hyperintense dans ces mêmes zones en phase aiguë. La présence de patches de rehaussement tardif détecte une atteinte cardiaque de la sarcoidose avec plus de sensibilité que les critères cliniques actuellement recommandés (Japanese Ministry of Health JMH guidelines) et semble associée à un pronostic plus défavorable80.

Fibrose endomyocardique 


Il s’agit d’une cardiopathie acquise, associée à un syndrome hyperéosinophile idiopathique, caractérisée par une inflammation de l’endocarde et la présence de thrombus comblant l’apex d’un ou des deux ventricules. La maladie peut évoluer vers une véritable fibrose de l’apex ventriculaire avec développement d’une cardiopathie restrictive. L’IRM montre sur les séquences ciné un ventricule de taille et de fonction systolique normales, ainsi que la présence d’un comblement de l’apex. Le rehaussement précoce et tardif permet d’identifier la présence de fibrose endocardique et de thrombus moulant l’apex ventriculaire81.

Maladies du péricarde 


L’échocardiographie comme l’IRM détectent facilement un épanchement péricardique et mettent en évidence le cas échéant des signes de tamponnade. La péricardite constrictive est un diagnostic plus difficile à poser, nécessitant souvent l’association des résultats morphologiques (échocardiographie, IRM, CT), hémodynamiques et d’écho-Doppler (présence de variations respiratoires pathologiques des flux trans-valvulaires ou veineux hépatiques). Le CT-scan thoracique peut contribuer au diagnostic en détectant un épaississement du péricarde ou la présence de calcifications péricardiques. Un épaississement péricardique significatif (>4 mm) est suggestif d’une péricardite constrictive en présence d’une clinique compatible ; il faut toutefois souligner qu’un péricarde épaissi peut se rencontrer sans physiologie de constriction, et que jusqu’à 18% des patients présentant une péricardite constrictive confirmée ont un péricarde d’épaisseur normale (<2 mm)82. En IRM, le péricarde se présente comme une ligne hypointense flanquée de deux bandes graisseuses hyperintenses – épicardique et péricardique, dans les séquences en pondération T1. Il est ainsi facile de mesurer l’épaisseur du péricarde mais les calcifications péricardiques ne sont pas détectées (signal nul). Dans les séquences de rehaussement tardif, le péricarde apparaît hyper-intense en cas d’inflammation active. Sur le plan morphologique, la péricardite constrictive se caractérise par un péricarde épaissi, des cavités cardiaques aplaties ou de forme tubulaire, et une dilatation importante de la veine cave inférieure et des veines sus-hépatiques83. L’IRM permet enfin de dépister une interférence entre le ventricule droit et le ventricule gauche durant le cycle respiratoire. Des séquences ultra-rapides et de faible résolution permettent l’acquisition d’une coupe myocardique complète lors de chaque battement cardiaque, offrant une évaluation de la fonction systolique en temps réel. Un déplacement brusque du septum interventriculaire en direction du ventricule gauche à l’initiation de l’inspirium, et un retour brusque en position normale à l’initiation de l’expirium sont caractéristiques d’une physiologie constrictive84. Ce signe est d’une aide précieuse pour le diagnostic de péricardite constrictive, en particulier chez les patients en fibrillation auriculaire pour lesquels l’évaluation des variations respiratoires des flux Doppler est particulièrement fastidieuse.

 

 

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