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Températures : le pois cultivé est une plante de climat tempéré frais et relativement humide. Il est moins sensible au froid que le haricot et peut germer à partir de +5 °C. Les jeunes plants (avant le stade de floraison) peuvent supporter le gel, mais les fleurs peuvent être détruites par le froid à partir de -3,5 °C et les nœuds végétatifs à partir de -6 °C. La température moyenne optimale de croissance se situe entre 15 et 19 °C. Au-delà de 27 °C, la végétation et la pollinisation risquent d'être affectées.
Pluviométrie : la pluviométrie idéale se situe entre 800 et 1 000 mm par an.
Photopériodisme : le pois est légèrement sensible à la photopériode, les jours longs favorisant la floraison.
Sols : le pois s'accommode de tous les types de sols sous réserve qu'ils soient bien drainés et qu'ils offrent une bonne capacité de rétention en eau. Le pH optimal se situe entre 5,5 et 7,0.
L'espèce Pisum sativum appartient au genre Pisum, classé dans la tribu des Fabeae (ou Viciae) en compagnie des genres proches Lathyrus L. (gesses), Lens Mill. (lentilles), Vavilovia Fed. et Vicia L. (vesces)[13]. Le genre Pisum, après avoir compté plus d'une douzaine d'espèces, n'en regroupe plus que deux : Pisum sativum L. et Pisum fulvum Sm. Toutes les autres ont été reléguées au rang de sous-espèces ou variétés de Pisum sativum, avec laquelle elles sont toutes interfertiles.
L'espèce Pisum sativum présente une très grande diversité génétique qui se manifeste dans les nombreuses variations des caractères morphologiques des fleurs, des feuilles, des tiges, des gousses et des graines, ce qui a motivé diverses classifications des formes intraspécifiques. Les principales sous-espèces et variétés sont les suivantes[14],[15] :
- Pisum sativum L. subsp. elatius (Steven ex M. Bieb.) Asch. & Graebn. : c'est la forme sauvage des actuels pois cultivés, originaire de la partie orientale du bassin méditerranéen, jusqu'au Caucase, à l'Iran et au Turkménistan, à laquelle se rattache la variété pumilio.
- Pisum sativum L. subsp. elatius (Steven ex M. Bieb.) Asch. & Graebn. var. pumilio Meikle (syn. Pisum sativum subsp. syriacum Berger) : sous-espèce la plus xérophyte, présente dans la végétation des prairies sèches et des forêts de chênes du Proche et du Moyen-Orient, de Chypre et de Turquie jusqu'à la Trancauscasie, l'Irak et le Nord et l'Ouest de l'Iran.
- Pisum sativum subsp. transcaucasicum Govorov : forme cultivée dans le nord du Caucase et dans la partie centrale des montagnes transcaucasiennes.
- Pisum sativum L. subsp. abyssinicum (A. Braun) Govorov : le pois d'Abyssinie est une forme cultivée en Éthiopie[16] et au Yémen.
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- Pisum sativum subsp. asiaticum Govorov : cette forme est cultivée du Proche et du Moyen-Orient, jusqu'à la Mongolie, au Nord-Ouest de la Chine, au Tibet et au Nord de l'Inde, ainsi qu'en Égypte. Les graines sont consommées et servent, ainsi que la plante entière, à nourrir les animaux.
- Pisum sativum L. subsp. sativum : c'est la sous-espèce la plus importante actuellement ; elle dérive par la domestication de la forme Pisum sativum subsp. elatius. Elle compte trois variétés principales et d'innombrables cultivars (voir le paragraphe « Variétés cultivées » plus bas):
- Pisum sativum L. subsp. sativum var. arvense (L.) Poir. : pois protéagineux, pois fourrager ou pois des champs ;
- Pisum sativum L. subsp. sativum var. sativum : petit pois, pois potager ou pois des jardins ;
- Pisum sativum L. subsp. sativum var. macrocarpon : pois mangetout, et pois croquetout (mangetouts charnus).
Histoire
Le pois est une plante très anciennement cultivée dans l'Ancien monde puisque sa culture a vraisemblablement commencé il y a environ 8 000 ans dans la région du Croissant fertile, dans le même processus que certaines céréales (blé, orge) et d'autre légumineuses (vesce, lentille). On a découvert dans des sites archéologiques du Néolithique de la Grèce à l'Irak entre 7 500 et 5 000 ans avant Jésus-Christ, des restes provenant soit de plantes de cueillette, soit de plantes domestiquées. Par la suite, sa culture s'est diffusée vers l'ouest (Europe) et vers l'est (Inde). On en trouve trace notamment dans le site d'Hissarlik (l'antique Troie), en Europe centrale (vers -4 000 ans), en Europe occidentale et en Inde (vers -2 000 ans)[17]. Des restes de pois ont été retrouvés notamment dans des habitats lacustres du début de l'âge du bronze en Suisse et en France (lac du Bourget)[7].
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Sites | Pays | Période | Autres espèces présentes |
Çayönü | Turquie | -7500 -6500 | engrain, amidonnier, lentille, vesce, lin |
Jéricho Néolithique avant poterie | Cisjordanie | vers -7000 | engrain, amidonnier, orge à deux rangs mondée, lentille, vesce |
Jarmo | Irak | -6750 | engrain, amidonnier, orge à deux rangs mondée, lentille, vesce |
Çatal Hüyük, VI-II | Turquie | -5850 -5600 | engrain, amidonnier, blé tendre, orge à deux rangs mondée, vesce |
Hacilar | Turquie | vers -7000 | engrain spontané, amidonnier, orge à six rangs nue, lentille, vesce |
Can Hassan Néolithique supérieur | Turquie | vers -5250 | orge à six rangs mondée |
Ghediki | Grèce (Thessalie) | vers -6000 -5000 | engrain, amidonnier, orge à deux rangs mondée, orge à deux rangs nue, lentille, vesce |
Sesklo | Grèce (Thessalie) | vers -6000 -5000 | amidonnier, orge à deux rangs mondée |
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Le pois était cultivé dans l'Antiquité par les Grecs et les Romains. Il est notamment cité par Théophraste dans son Histoire des Plantes au IIIe siècle av. J.-C., puis par Columelle (De re rustica) et Pline dans son Histoire naturelle écrite vers l'an 77 de notre ère. Selon Columelle, le pois était semé, comme les autres légumineuses, à l'équinoxe d'automne, en « terre meuble et légère[19] ».
Vers l'an 800, sous Charlemagne, le pois est cité sous le nom de pisos mauriscos[20] parmi les plantes potagèrescapitulaire De Villis. Les pois secs, faciles à conserver, constituent tout au long du Moyen Âgelard. recommandées dans le l'une des principales ressources alimentaires des classes pauvres. Ils sont souvent cuisinés avec du
Un vieux quatrain paysan rappelle leur importance :
« Qui a des pois et du pain d’orge,
Du lard et du vin pour sa gorge,
Qui a cinq sous et ne doit rien,
Il se peut dire qu’il est bien[21]. »
Dans le Viandier de Taillevent, qui remonterait au XIIIe siècle, se trouve la recette de la crétonnée de pois nouveaux[22], potée épaisse aux pois ; cependant, les « pois nouveaux » dont il est question ne seraient pas encore les « petits pois ».
L'introduction du pois dans le Nouveau Monde a été faite pour la première fois à Saint-Domingue par Christophe Colomb lors de son premier voyage en Amérique.
La consommation des gousses entières (pois mangetout ou pois gourmand) est attestée depuis le XVIe siècle aux Pays-Bas et en France[23]. Le mangetout est mentionné par Jean Ruel dans son ouvrage De Natura Stirpium libri tres[24]. publié en 1536
La consommation du petit pois (grain vert frais) s'est développée en France à l'époque de Louis XIV. C'est le 18 janvier 1660 que le sieur Audiger (ou Audiguier), officier de bouche de la comtesse de Soissons, présenta à la cour du roi Louis XIV, des pois verts en gousse rapportés d'Italie[25]. Ils furent écossés et préparés à la française pour le roi, la reine et le cardinal et ce fut le départ d'une mode qui fit fureur à la Cour, flattée par la précocité du produit. Madame de Sévigné écrira plus tard, en mai 1696 :
« Le chapitre des pois dure toujours : l'impatience d'en manger, le plaisir d'en avoir mangé, et la joie d'en manger encore, sont les trois points que nos princes traitent depuis quatre jours. Il y a des dames qui après avoir soupé avec le roi, et bien soupé, trouvent des pois chez elles pour manger avant de se coucher, au risque d'une indigestion : c'est une mode, une fureur, et l'une suit l'autre[26]. »
Au XVIIIe siècle, le poète irlandais Oliver Goldsmith, qui voyagea à plusieurs reprises en France, s'en prit à la cuisson des petits pois « à la française », qu'il accusait dans ses lettres de toxicité[25].
Thomas Jefferson, qui fut le troisième président des États-Unis, de 1801 à 1809, passionné de sciences et en particulier d'agronomie, s'intéressa beaucoup à la viticulture, mais aussi aux petits pois. Il en cultiva de nombreuses variétés dont il cherchait à améliorer la précocité dans son domaine de Monticello[27].
Au cours du XIXe siècle, la vogue des petits pois se répandit en France et le nombre de variétés s'accrût. Denaiffe et fils, sélectionneurs, en recenseront environ 250 dans leur ouvrage sur les pois potagers publié en 1906. Cette citation attribuée à Gustave Flaubert, qui élevait des canards, témoigne de cet engouement. Il avait coutume de s'écrier quand ses volatiles devenaient par trop bruyants : « Il me semble qu'il est temps d'écosser les petits pois[28] ».
Vers la fin du XIXe siècle, se développe la production des « pois cassés », pois secs dont le tégument, relativement indigeste, a été retiré par abrasion[25].
Depuis le début du XXe siècle siècle, la production des petits pois s'industrialise dans les pays occidentaux (Europe, Amérique du Nord) grâce au développement de la conserve et de la surgélation. Ce mouvement s'accompagne de la culture en plein champ qui se mécanise rapidement.
Dans les années 1920, un inventeur américain, Clarence Birdseye, fondateur de la société General Seafood, produit les premiers petits pois surgelés[29].
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En 1926, la société américaine Minnesota Valley Canning Company, qui prendra par la suite le nom de Green Giant, crée la marque « Géant Vert » pour commercialiser des petits pois, plus grands que les petits pois habituels[30]. Cette marque, toujours utilisée, est devenue la propriété de General Mills. La même année, en France, la société Bonduelle, qui est devenue le numéro un en Europe des légumes en conserve, produit à l'usine Bonduelle de Renescure (Nord) ses premières boîtes de petits pois[31].
À partir de 1979, un semencier américain, Rogers (filiale de Syngenta), commercialise, sous le nom de 'sugar snap pea', un nouveau cultivar de la variété pois gourmand à gousse charnue dont le marché se développe aux États-Unis[32]. Ce type de pois était déjà connu dans le passé ; parmi les pois sans parchemin présentés par Vilmorin-Andrieux dans Les Plantes potagères (première édition en 1883) figurait une variété appelée « pois beurre » aux gousses charnues dont l'épaisseur atteignait un demi-centimètre[33].
Le pois sec a connu un nouveau développement vers la fin du XXe siècle, orienté surtout vers l'alimentation animale, en Europe d'abord, puis au Canada et en Australie notamment.
En Europe, notamment en France, la culture du pois protéagineux s'est fortement développée dans les années 1970-1980 comme source de protéines pour l'alimentation animale. Le facteur déclencheur fut l'embargo décrété en 1973 par les États-Unis sur leurs exportations de tourteaux de soja, qui mit en évidence la dépendance stratégique de l'Europe vis-à-vis des importations de protéines d'origine végétale. En France par exemple, les surfaces cultivées sont ainsi passées de 500 hectares en 1977 à 500 000 hectares en 1985. Depuis la fin des années 1990, les surfaces ensemencées en pois tendent à régresser du fait de la baisse relative des aides communautaires[34].
Depuis le début des années 1990, le Canada, cherchant à diversifier ses productions agricoles, a doublé sa production de pois secs (cultivés principalement dans les provinces de Manitoba, Saskatchewan et Alberta) dont il est devenu le premier producteur mondial et également le premier exportateur, notamment vers l'Inde[35].
En 1998, une carte génétique consensuelle du pois est établie et validée par les résultats obtenus dans trois laboratoires différents[12],[36].
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