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CHOMOLANGMA

Réflexions sur le sens de la vie. Diversités culturelles et médiatiques.

Hyacinthe Rigaud (1).

Publié le 2 Avril 2012 par CHOMOLANGMA in ARTS Plastiques(Peinture-Scul) -Décoratifs-Interact

 

Hyacinthe Rigaud
Autoportrait au turban, 1698, Perpignan, Musée Hyacinthe Rigaud.
Autoportrait au turban, 1698, Perpignan, Musée Hyacinthe Rigaud.
Nom de naissance Rigau
Naissance 18 juillet 1659
Perpignan
Décès 29 décembre 1743
Paris
Nationalité France France
Activité(s) Peintre
Maître Charles Le Brun
Paul Pezet (présumé)
Antoine Ranc (présumé)
Élèves Jean Ranc
Nicolas Desportes
Charles Sévin de La Pennaye, Louis René Vialy, Joseph André Cellony
Mouvement artistique Baroque
Œuvres réputées portrait de Louis XIV en grand costume royal ; La Présentation au temple ; portrait de Bossuet en grand habit d'hiver ; portraits de Louis XIV
Influencé par Antoine Van Dyck
Pierre Paul Rubens
Rembrandt
Récompenses Prix de Rome 1682
Cet article fait partie de
la série Peinture
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Liste des peintres
Portail de la Peinture

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hyacinthe Rigaud, né à Perpignan le 18 juillet 1659 et mort à Paris le 29 décembre 1743, est un peintre français, spécialisé dans le portrait.

Né dans l'ancienne province de Catalogne, Rigaud, de son orthographe catalane « Rigau », est considéré comme l’un des plus célèbres portraitistes français de la période classique. Pour Jacques Thuillier, professeur au Collège de France : « Hyacinthe Rigaud fut l’un de ces peintres français qui sous l’Ancien Régime connurent comme portraitistes la plus haute célébrité. Cette admiration était méritée à la fois par l’abondance surprenante de l’œuvre et par sa constante perfection[1]. »

Rigaud doit sa célébrité à la fidélité de la dynastie des Bourbons, dont il peint les effigies sur quatre générations. Il recrute l'essentiel de sa clientèle parmi les milieux les plus riches, parmi les bourgeois, financiers, nobles, industriels et ministres. Son œuvre livre une galerie de portraits quasi complète des dirigeants du royaume de France entre 1680 et 1740. Une partie de sa production, cependant minoritaire, est néanmoins constituée de personnages plus discrets : proches, amis, artistes ou simples commerçants.

Indissociable de son portrait de Louis XIV en costume de sacre[n 1], Rigaud a côtoyé tous les grands ambassadeurs de son siècle et quelques monarques européens. Le nombre exact de tableaux peints par cet artiste reste disputé, car son catalogue est très fourni, mais les spécialistes s'accordent sur le fait qu’il a fréquenté plus de mille modèles différents[2]. À cela s’ajoute le nombre élevé de copies consignées dans le livre de comptes de l’artiste, qui ne mentionne pourtant pas quelques centaines d’autres toiles retrouvées depuis sa publication en 1919.

Petit-fils de peintres-doreurs en Roussillon, formé dans l’atelier paternel de tailleur d’habits, Hyacinthe Rigaud se perfectionne auprès d’Antoine Ranc à Montpellier dans les années 1671, avant de gagner Lyon quatre ans plus tard. C’est dans ces deux cités qu’il se familiarise avec la peinture hollandaise et italienne, celle des Rubens, Van Dyck, Rembrandt ou Titien, dont il collectionne plus tard les œuvres.

Arrivé à Paris en 1681, il obtient son prix de Rome en 1682, mais ne fait pas le voyage à Rome, sur les conseils de Charles Le Brun. Reçu à l'Académie royale de peinture et de sculpture dès 1700, il gravit tous les échelons de cette institution jusqu’à sa démission en 1735.

Selon l'écrivain d'art français Louis Hourticq, « Rigaud, en mourant, laisse une galerie de grands personnages avec lesquels notre imagination peuple maintenant la galerie des Glaces ; Rigaud est nécessaire à la gloire de Louis XIV et il participe à ce rayonnement d’un règne dont il a fixé la majesté[3]. » Véritables « photographies »[4], visages que Diderot qualifiait de « lettres de recommandation écrites dans une langue commune à tous les hommes »[5], les œuvres de Rigaud peuplent aujourd’hui les plus grands musées du monde.

 

 

 

Perpignan


Contexte et ascendance

 

 

Tabernacle de l'église de Palau-del-Vidre - 1609 (détail) par Honorat Rigau.

 

 

 

 

 

Encore honoré de son nom catalan, « Jyacintho Rigau » met un pied dans le Grand Siècle, tenu sur les fonts baptismaux de l’antique cathédrale Saint-Jean de Perpignan, le 20 juillet 1659[6]. Né deux jours plus tôt, rue de la Porte-d’Assaut, Rigaud n'est pas encore Français puisque le Roussillon et la Cerdagne ne sont annexés au royaume de France que le 7 novembre suivant, grâce au traité des Pyrénées. Ce dernier met un terme aux combats qui opposaient, depuis 1635, la France aux Habsbourg d'Espagne et conclue l’union de Louis XIV à l’infante d’Espagne Marie-Thérèse.

Le père de Hyacinthe, Josep Matias Pere Ramon Rigau, tailleur d’habits (sastre en catalan) dans la paroisse Saint-Jean de Perpignan, mais « aussi peintre »[6], descend d’une lignée d’artistes bien implantés dans le bassin perpignanais pour avoir été employés à la décoration de divers tabernacles et autres panneaux à usage liturgique, dont de trop rares traces sont parvenues jusqu’à nous (Palau-del-Vidre, Perpignan, Montalba-d'Amélie, Joch…). Le grand-père, Jacinto major[n 2], et plus encore le père de ce dernier, Honorat minor[n 3], officient entre 1570 et 1630 ; probablement autant comme doreurs que comme peintres[7], puisqu’on retrouve dans leurs ateliers « moltas estampas y alguns llibres tocants a la art de pintura y altres cosettes, com son pinzeils y coquilles de pintar » (« nombreuses estampes et livres ayant trait à l'art de peindre, et autres choses, comme sont les pinceaux et palettes à peindre »)[8].

 

 

 



Vue de la ville de Perpignan en 1642 - A.D.P.O.

 

 

 

 

Alors qu'il œuvre au sein du collège Saint-Éloi de sa cité depuis 1560, et en tant que représentant de sa corporation des peintres et doreurs, Jacinto major participe le 22 novembre 1630 en compagnie d'autres orfèvres et collègues[n 4]à l'élaboration des statuts et procès-verbaux du collège Saint-Luc de la cité catalane[9]. À Honorat minor, on attribue généralement La Canonisation de saint Hyacinthe, anciennement au couvent des Dominicains de Perpignan et aujourd'hui à Joch[10], le tabernacle de l'église de Palau-del-Vidre (28 mars 1609)[n 5] et le retable de Montalba près d'Amélie-les-Bains. À son père revient le retable de Saint-Ferréol (1623) à l'église Saint-Jacques de Perpignan et anciennement au couvent des Minimes. Quant à Honorat major, il lui revient le privilège d’avoir exécuté les peintures du retable de l’église Saint-Jean-l’Évangéliste à Peyrestortes[11].

Dès 13 mars 1647, le père de Hyacinthe, Matias Rigau, s'unit à Thérèse Faget (1634-1655), fille d’un menuisier[n 6]. Veuf peu de temps après, il décide de convoler à nouveau en justes noces avec Maria Serra, fille d’un marchand filassier de Perpignan (pentiner en catalan), le 20 décembre 1655[12]. En 1665, il acquiert une maison « en lo carrer de las casas cremades » (actuelle rue de l’Incendie, près de la cathédrale) et il perçoit les revenus d'une parcelle de vignes du territoire de Bompas[8]. Par son second mariage, il possède également une maison sur la place de l’Huile, mais il la revend rapidement[8].

 

 

Prémices d’une formation

 

 

Portrait du Lieutenant colonel Albert Manuel par Antoni Guerra « le Jeune » - Perpignan, musée Hyacinthe Rigaud.

 

 

 

 

Afin de justifier les formidables dons du futur portraitiste de Louis XIV, on a souvent supposé que le jeune homme avait été mis très tôt en apprentissage chez l’une des figures emblématiques de la peinture catalane de cette époque, Antoine I Guerra (1634-1705)[13]. La qualité toute relative des œuvres de cet artiste ne permet pas d’y trouver les clés d’un apprentissage, même si son fils, Antoine Guerra « le Jeune » (1666-1711), reprendra à son compte les formules picturales fixées plus tard par Rigaud, à l'instar de son Portrait du colonel Albert Manuel récemment acquis par le musée Hyacinthe Rigaud de Perpignan. L’inventaire après décès du jeune Guerra[14] atteste cependant des liens existant entre ces familles de peintres, à l'exemple du « portret du sieur Rang de Montpellier en ovalle » (probablement Antoine Ranc car Jean était déjà établi à Paris) et « deux portrets sur papier l’un du sieur Rigaud peintre et l’autre de damoiselle Rigaud avec leurs quadres dorés ». La question se pose alors de savoir s'il s'agit de Hyacinthe ou de Gaspard, et la « demoiselle Rigaud » est difficilement identifiable.

À la mort de son père, en 1669, « Jyacintho Rigau » (dont le nom francisé en Hyacinthe Rigaud ne tarde pas à apparaître) est confié par sa mère aux bons soins du doreur carcassonnais Pierre Chypolt. Les archives départementales des Pyrénées-Orientales conservent encore le contrat d’apprentissage passé entre ce dernier et Maria Serra[15]. Ce contrat explique la grande connaissance du métier de doreur, dont le futur Rigaud témoignera à plusieurs reprises, notamment dans sa correspondance avec le marquis aixois Gaspard de Gueidan, au cours des années 1720-30[16].

Si l’anecdote selon laquelle Rigaud aurait été le protégé d’un hypothétique comte de Ros dont il aurait prit la particule « Rigaud y Ros » est à écarter[17], l’Abrégé de la vie du peintre, rédigé en 1716 par l’académicien honoraire Henry Van Hulst[18], est une référence plus fiable. Cette Vie fut composée afin de contenter le désir du grand duc de Toscane Cosme III de Médicis qui souhaitait obtenir de chaque peintre, dont il possédait l'autoportrait, une biographie circonstanciée.

Dans ce témoignage direct, non exempt d’approximations, aucune formation picturale n’est mentionnée avant le départ de Rigaud, dans les années 1675, pour Montpellier. Avant cette date, le métier de son père forme probablement l’œil du jeune Hyacinthe à la science des drapés, des agencements et des couleurs. S’il est difficile d’attribuer à Hyacinthe Rigaud des œuvres de jeunesse, catalanes principalement, nul doute que certains tabernacles ou autres peintures murales pourront, avec le temps, lui revenir. Daniel Gronström, sujet du roi de Suède et l’un de ses représentants à Paris, semble pourtant réduire cette diversification en écrivant, dès 1693, à Nicodème Tessin le Jeune, architecte des bâtiments du roi Charles XI : « [Rigaud] dit qu’il est très capable de peindre des plafonds, des tribunes, etc. Il en a peu faits ».

 

 

La Carrière



Une formation languedocienne

 

 

Portrait de Sébastien Bourdon d'après Rigaud - Gravure de Laurent Cars - collection privée.

 

 

 

 

La plupart des témoignages anciens, y compris les biographies que l’on prête à Rigaud lui-même, parlent donc de l’envoi du jeune artiste à Montpellier dès 1671, suite au décès de son père. Malgré la présence d’un fort corporatisme à Perpignan, Hyacinthe, revenant de son apprentissage carcassonnais, semble déjà avoir développé des talents suffisamment éloquents pour se dispenser d’intégrer l’Académie de Saint-Luc locale où officiait son grand-père :

« […] sa mère ne voulant point s’opposer à l’inclinaison qu’il sembloit avoir héritée de ses parents, l’envoya à l’âge de 14 ans à Montpellier, pour y étudier sous Pezet & Verdier, peintres assez médiocres : quelques personnes assurent qu’il travailla aussi chez Ranc le pere, dont les portraits approchoient de ceux de Van Dyck. Quatre années furent employées dans cette étude… »

Ainsi s’exprime, dès 1745, Antoine Dezallier d’Argenville dans son Abrégé de la vie des plus fameux peintres[19], reprenant en réalité les propos de la biographie dictée par Rigaud lui-même en 1716[20].

Bien que le contrat d’apprentissage de Rigaud n’ait pas été retrouvé, il est probable que, mineur, il se trouve placé chez Paul Pezet, en accord avec les règles de l’époque en usage en Roussillon : « […] l’élève est logé et nourri chez le maître, bien que les frais de nourriture restent parfois aux frais de la famille. Durant sa formation, l’élève a interdiction de travailler dans un autre atelier de peinture des comtés de Roussillon et de Cerdagne, et doit rendre les jours où il est malade ou absent[21] ».

Si Pezet, dont on ne connaît à ce jour qu’une Pietà attestée à Mont-Louis, ne semble pas avoir développé de talents suffisants pour former le style du jeune apprenti, sa collection de tableaux de maîtres flamands initie probablement l’œil de Hyacinthe. De là, dit-on, tient-il sa formidable connaissance de la peinture de Van Dyck, Rubens mais aussi de Sébastien Bourdon : « Van Dyck fut pendant quelque temps son guide unique. Il le copioit sans relâche, non de cette façon servile et banale dont nous voyons tant d’exemples, mais en habile homme comme il l’étoit déjà ; M. Collin de Vermont est en état de fournir la preuve de ce que j’avance ici. Il possède plusieurs de ces copies, faites jadis dans cet esprit par M. Rigaud, où l’on reconnoît toute l’intelligence et même tout le feu et le beau-faire du grand maître dont il cherchoit à se pénétrer »[22].



Autoportrait de Sébastien Bourbon, complété par Hyacinthe Rigaud - 1733 - Versailles, musée national du château - Inv. 2826.

 

 

 

 

Figure emblématique montpelliéraine et du XVIIe siècle français, Sébastien Bourdon compte parmi les artistes privilégiés de la première collection de Rigaud en 1703[23]et reviendra en force dans l’inventaire après décès établi en 1744. Hyacinthe, possédant d’ailleurs un autoportrait de Bourdon qu’il lègue en 1734 à l’Académie royale après y avoir rajouté un drapé[24], confectionnera en 1730, un magnifique dessin correspondant pour aider le graveur Laurent Cars pour sa réception à la dite Académie trois ans plus tard[25].

 

 

 



Rigaud : Autoportrait dit au « manteau bleu » - 1696 - Château de Groussay.

 

 

 

 

La sphère artistique montpelliéraine est alors très active. Ainsi, Jans Zueil (actif entre 1647 à 1658), dit « le Français » quoique originaire de Bruxelles et grand imitateur du style de Rubens et de Van Dyck, amena-t-il à Montpellier la connaissance des techniques picturales nordiques. Marié à la sœur du peintre montpelliérain Samuel Boissière (1620-1703), il est surtout connu pour ses démêlés avec Sébastien Bourdon. Mais Zueil est surtout un proche d’Antoine Ranc « le Vieux » (1634-1716), « plus professeur que peintre » et fortement attaché aux commandes protocolaires de la cité languedocienne[26]. Si le passage de Hyacinthe dans l’atelier de Ranc n’est pas formellement attesté, la récente réapparition d’un autoportrait de Rigaud dit « au manteau bleu », dédié en 1696 à Antoine Ranc, tend à prouver les liens d’amitié qui les liait[27]. À cette date, également, Jean Ranc, futur gendre par alliance du catalan, fait ses premières armes auprès d’un Rigaud déjà bien établi à Paris. Enfin, un portrait présumé d’Antoine Ranc par le Catalan (Narbonne, musée des Beaux-Arts), qui peut également accréditer la formation initiale dans l’atelier du montpelliérain[28].

Au départ de Hyacinthe Rigaud pour Lyon, quatre ans après son arrivée à Montpellier, Ranc se serait écrié : « Jamais je ne saisirai comme vous la nature avec tant de précision, jamais je ne la développerai avec tant d’adresse. Vous avez été mon écolier, vous serez mon maître ; souvenez-vous de cette prophétie ! ».

Si l’on peut, de bonne grâce, prêter foi à cette citation de Nanteuil tirée des Petites Affiches de 1776, on sera plus critique envers un possible apprentissage de Rigaud auprès d’Henri Verdier qui, compte tenu de sa biographie, pourrait davantage être considéré comme un collègue de Rigaud[n 7]. Il est alors aisé d’imaginer les deux jeunes artistes, partant de concert tenter leur chance dans la capitale des Gaules, en cette année 1675[29].

 

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